Pensée et action politique du BDP-Gabon Nouveau


Caractéristiques du gouvernement Bongo: amateurisme et incompétence

22 juillet 1999

Dr. Daniel Mengara
Coordinateur
BDP-Gabon Nouveau

L’on ne cessera jamais de s’étonner des actions posées par le gouvernement gabonais de Bongo. C’est à croire que de haut en bas de l’échelle gouvernementale, l’incompétence et l’amateurisme sont tellement devenus légion que Bongo et ses sbires ne savent plus quoi faire non seulement dans le cadre du redressement socio-économique du Gabon, mais aussi dans le cadre de la préservation d’un semblant de tissu socioculturel dont le Gabonais pourrait être fier.

L’insécurité généralisée qui frappe le Gabon aujourd’hui révèle un malaise socio-culturel et économque si profond que la seule manière de vraiment s’en défaire serait de mettre en place les structures du changement que les Gabonais attendent. Evidemment, Bongo et les siens aiment encore à se faire des illusions sur le sentiment des Gabonais à leur endroit. Alors, croyant bien faire et acculés dans leur immobilisme constant, ils se lancent maladroitement dans des prises de positions et d’actions hasardeuses qui, au lieu de traduire la reprise en mains de ses responsabilités par le gouvernement, révèlent plutôt au monde le côté improvisé, intempestif et fébrile des actes posés.

Il en va ainsi de la nouvelle et soudaine décision de déverser dans les rues de la ville des policiers et une garde présidentielle non préparés pour ce type d’opérations. Faut-il être sorcier pour savoir que ce n’est pas en déversant sans but et de manière hasardeuse des militaires dans les rues que l’on arrête l’insécurité? Faut-il également être sorcier pour savoir que les raisons de cette insécurité sont à rechercher dans le passé et le présent sans gloire du régime incompétent de Bongo lui-même? L’insécurité gabonaise actuelle découle de plusieurs causes évidentes. Parmi celles-ci:

1) la pauvreté des Gabonais qui sont de plus en plus obligés de se livrer au grand banditisme pour pouvoir joindre les deux bouts.

2) le désoeuvrement de la jeunesse qui, au chômage et sans perspectives d’avenir, ne peut que se livrer au grand banditisme.

3) sur le plan historique, Bongo a, au lendemain de l’adoption du multipartisme, encouragé la formation de milices de jeunes armés qui, déçus par les promesses du régime, "se vengent" aujourd’hui comme ils le peuvent sur la population civile.

4) pendant plus de dix ans depuis le milieu des années 80, le régime Bongo a totalement ignoré les problèmes de sécurité (et les a même encouragés), dans l’espoir de provoquer un rejet de la démocratie par les Gabonais.

5) Par conséquent, tandis que Bongo engraissait sa garde personnelle, il supprima le système de Sécurité Publique qui avait permis une meilleure sécurisation de Libreville quelques années auparavant. Par ailleurs, il oublia totalement et volontairement de doter le pays d’un véritable service de police qui eût pu assurer la protection des personnes et des biens. Pire encore, Bongo négligea d’armer l’armée gabonaise tellement il a toujours vécu dans la psychose du coup d’état.

Résultat, le pays fut depuis la fin des années 80, laissé à la dérive qui l’a conduit aujourd’hui à vivre selon une loi de la jungle dont seuls les plus forts--la mafia bongoïste et les voyous—pouvaient tirer partie.

Les premiers râtés post-électoraux du régime Bongo furent visibles lorsque le nouveau premier ministre, Jean-François Ntoutoume Emane, alla "voltairement" raconter des histoires à dormir debout aux parlementaires. Il leur conta que les problèmes d’insécurité venaient des étrangers et que l’un de ses objectifs serait de résoudre ce problème. Evidemment, ce qu’il oublia de dire au pays c’est que ce ne sont pas les étrangers qui sont responsables de l’insécurité au Gabon, mais bien le régime Bongo lui-même. En effet, s’il y a des responsabilités à dégager, ces responsabilités sont d’abord le fait du gouvernement qui, pendant près de 15 ans:

1) a laissé le pays aller à la dérive

2) a utilisé et importé des étrangers pour ses besoins électoraux

3) a fait de nos frontières des passoires qui, sans armée pour les défendre, ont été comme une invitaion à l’invasion du pays.

4) s’est allié à Sassou dans le cadre d’une guerre dont les conséquences prévisibles risquent de détruire l’espoir que les Gabonais avaient de reconstruire acceptablement leur pays.

Et le régime ose aujourd’hui accuser ces pauvres étrangers d’être la source de l’insécurité au Gabon. Quel toupet!

La vérité est que les étrangers n’ont rien à voir avec les problèmes du Gabon aujourd’hui. Le seul responsible c’est bien Bongo. Mais comme dans la plupart des dictatures, le régime Bongo veut faire divergence en faisant des étrangers des boucs émissaires. En cela, il rappelle les méthodes dignes de l’hitlérisme. Cet hitlérisme raciste qui s’en prit aux juifs allemands pour provoquer le sentiment nationaliste allemand qui mena à la deuxième guerre mondiale. En cela, Bongo et son équipe se montrent, encore une fois, amateurs et naïfs. Ils ont la mémoire courte et croient bien enfantinement que les Gabonais se laisseront entraîner dans une haine de l’étranger alors qu’ils savent très bien que la cause de leurs malheurs se nomme Bongo.

Et que d’incompétence! La manière dont la fameuse "opération coup de poing" a commencé à Libreville laisse à désirer. Aucune préparation évidente, utilisation de policiers et de militaires non formés pour des tâches de maintien de l’ordre routinières, etc. Résultat, dans sa première journée, déjà un mort. Ce mort, un étranger d’origine nigeriane. Pourquoi un Nigerian? Tout simplement parce que nos policiers improvisés, sur la base de leurs ordres, se sont tout de suite lancés dans une chasse à l’étranger qui n’avait rien à voir avec la simple tâche de sécurisation de la ville qui aurait dû être leur objectif principal.

Faut-il alors que nous, au BDP, faisions une leçon de sécurisation au régime Bongo? Nous y sommes bien obligés si nous voulons éviter des pertes de vie inutiles dans un contexte où le sang de tous est en ébullition permanente à cause de l’insupportable présence continuelle du régime Bongo.

Comment sécurise-t-on une ville en période de "paix"? Que nous sachions, nous ne sommes pas en période de guerre civile? Et qui a dit que la seule manière de sécuriser une ville c’est d’organiser des fouilles systématiques qui n’ont aucune logique visible?

Ce que le gouvernement aurait dû faire, avec un semblant de jugeote, c’était:

1) constituer un corps policier professionnel en mobilisant les effectifs disponibles et en y ajoutant des militaires.

2) faire passer tout ce beau monde par des séminaires de formation qui les auraient informé sur les pratiques professionnelles qui éviteraient qu’ils se comportent en cow-boys terroristes qui, sans raison, tireraient sur tout ce qui bouge.

3) doter ces effectifs policiers de voitures de patrouille. On pourrait facilement constituer un parc automobile policier imposant en retirant aux ministres et autres personnalités haut placées les multiples voitures de fonctions de trop qu’ils ont à leur disposition.

4) constituer des patrouilles policières armées qui non seulement circuleraient dans la ville de jour comme de nuit, mais seraient également placées à tous les endroits stratégiques de la ville (marchés, zones grouillantes, carrefours principaux, etc.), prêts à intervenir à tout moment en cas de problème majeur.

5) construire rapidement des "cabanes téléphoniques d’urgence dans tous les quartiers de la ville. Ainsi, on donnerait à tous les quartiers le moyen d’appeller rapidement la police en cas de turbulence. Ceci sous-entend donc que la police serait prête à intervenir à tout moment et n’importe où en un temps record puisqu’elle serait prête non seulement au niveau de son QG, mais aussi par le biais des patrouilles présentes un peu partout dans la ville.

Une fois ce dispositif mis en place, la police pourrait facilement faire régner la sécurité dans la ville par dissuasion. En d’autres termes, la police n’a pas besoin:

1) d’arrêter qui que ce soit dans la rue en vérifiant pêle-mêle l’identité des uns et des autres. Cela ne servira à rien dans le contexte de jungle actuel. En plus, Bongo n’a pas construit assez de prisons pour tous ceux qui pourraient potentiellement être arrêtés. Par contre, la police peut procéder à des arrestations justifiées si elle est appelée ou assiste à des exactions qui justifient son intervention.

2) d’arrêter des voitures dans les rues. Cela est malsain non seulement parce qu’il n’y a aucune logique dans de tels contrôles, mais aussi parce que de tels contrôles improvisés sont mauvais pour l’économie. Ils ralentissent inutilement l’activité économique et finissent parfois par servir de mine d’argent aux policiers qui aiment bien à soutirer de l’argent aux taximens par ce moyen de corruption lucratif pour eux en ces temps de vaches maigres.

3) de tirer sur les gens sans raison dans la mesure où ils sont là pour protéger et non terroriser la population. Ainsi, arrêter quelqu’un qui n’a été l’auteur d’aucune infraction devient une agression impardonnable. La mort de ce pauvre Nigérian est donc, de ce fait, injustifiée et inacceptable.

En gros donc, le travail à faire actuellement en matière de sécurisation ne pourra se faire que par le biais de la DISSUASION PREVENTIVE ET PERMANENTE plutôt que par une militarisation terroriste des forces de l’ordre. Le maître-mot doit donc être PROTECTION, et non AGRESSION. Et si Bongo veut vraiment faire la guerre, qu’il envoit sa garde présidentielle se battre sur les frontières du Gabon pour protéger le pays des inflitrations des hommes à Sassou et à Lissouba. Mieux, qu’il demande à son beau-père d’arrêter sa chienne de guerre.

Reste à savoir si Bongo et son équipe savent la différence qu’il y a entre PROTEGER la population et TERRORISER la population. Ils sont tellement habitués à travailler dans l’impréparation que nous verrons certainement, dans les jours qui viennent, d’autres dérapages meurtriers du genre de celui qui a coûté la vie à ce pauvre Nigerian se produire. Aujourd’hui, c’est un Nigerian qui a péri de l’incompétence du régime Bongo. Demain ce seront des Gabonais qui périront de la main de leurs propres forces de l’ordre. Tout cela à cause de l’amateurisme du régime Bongo qui, en essayant de se rattraper à tout prix, oublie que la population n’est plus impressionnée par les sautes d’humeur de ce gouvernement fantôme. L’opération coup de poing d’aujourd’hui, commencée en grandes pompes maladroites, sera bientôt un souvenir vite oublié. Comme toutes les autres décisions de ce gouvernement, cette opération ne survivra que le temps de quelques jours, avant de devenir à son tour une opération fantôme. Au passage, quelques gabonais ou étrangers innocents auront été torturés ou assassinés, sans raison. Et la misère suivra son train habituel, jusqu’au prochain soubressaut fantômatique de Bongo et de son régime fantôme.

A moins que Bongo ait décidé, à un moment où des rumeurs de coups d’état commencent à circuler dans le pays, de prendre tout simplement le pays en ôtage sous prétexte de sécuriser Libreville.

L’avenir nous le dira bientôt.

Dr. Daniel Mengara

Coordinateur, BDP-Gabon Nouveau.


Rapport PNUD 1999: Le désastre gabonais continue

13 juillet 1999

Le verdict du PNUD vient, encore une fois, de tomber. Impitoyable. Surtout pour le Gabon dont la plupart des indicateurs socio-économiques regressent, signe de l’échec du régime d’Omar Bongo dans un contexte de richesses pourtant favorables à une évolution positive de la vie des gabonais.

1 - INTRODUCTION

L’intérêt du rapport 1999 du PNUD est qu’il tient compte, dans certains cas, de la progression de chaque pays dans la plupart des secteurs socio-économiques depuis 1970, permettant ainsi aux analystes de voir le chemin parcouru par chaque pays en près de 30 ans. A titre de rappel, ce que le PNUD mesure dans ce rapport, c’est l’Indice de développement humain.

Selon le PNUD, le développement humain est un processus par lequel les possibilités de choix d’un peuple sont élargies. Cet élargissement n’est atteint que si les capacités et fonctionnements humains sont développés. Ainsi, parler de développement humain à tous les niveaux de la vie d’un peuple, c’est donner à ce peuple trois capacités essentielles: la capacité de mener une vie longue et saine, la capacité de s’informer et la capacité d’accéder aux ressources qui lui permettraient une qualité de vie décente. Si ces indicateurs de base sont négligés, le peuple se retrouve sans grand choix et les opportunités de développement humain lui restent inaccessibles.

En d’autres termes, les domaines recouverts par les nécessités du développement humain sont multiples. Elles englobent des domaines tels que la possibilité d’exercer un choix ou d’exprimer une opinion politique et les opportunités socio-économiques qui récompensent la créativité et la productivité individuelle tout autant que collective. Le développement humain inclut aussi la possibilité pour l’humain d’avoir de l’estime pour soi-même et de se sentir motivé et capable. Il doit également pouvoir développer le sens d’une appartenance à une communauté nationale donnée. L’indice de développement humain ne se contente donc pas que des revenus comme indicateurs de la possibilité pour un humain d’élargir ses choix et de jouir du bien-être qu’il mérite; il tient compte de TOUS LES ASPECTS DE LAVIE d’un individu ou d’une société.

Le PNUD classe chaque pays dans l’une des trois catégories suivantes:

1) Pays à développement humain élevé (de 1 à 45)

2) Pays à développement humain moyen (de 46 à 139)

3) Pays à développement humain bas (de 140 à 174).

2- LA PLACE DU GABON

Où se trouve donc le Gabon dans cette équation du développement humain? Premières indications générales pour le Gabon, le pays, en 1999, est classé 124ème dans le monde en termes de développement humain. Le Gabon regresse donc ainsi à son niveau de 1997, passant donc du rang de 120ème en 1998 à celui de 124ème en 1999.

Avec son classement de 124ème, le Gabon se retrouve inclu dans la catégorie des pays à développement humain moyen, mais cette classification demeure très négative pour deux raisons principales:

1) Il y a 123 pays (71%) au-dessus du Gabon, et seulement 50 pays en-dessous (29%). Ceci équivaut donc à une très faible classification puisque le Gabon se retrouve avec un indice de développement humain inférieur à celui de 71% des pays classifiés.

2) La classification du Gabon se révèle encore plus faible quand on compare ce pays aux autres pays avec des revenus similaires ou moindres, pays qui, eux, se retrouvent classés dans parmis les nations à développement humain élevé: Slovaquie, Pologne et Costa Rica. C’est ainsi qu’avec un PNB par tête de 4120 dollars US, le Gabon n’a pas pu se classer mieux que les pays suivants, qui, eux, ont des revenus par habitant inférieurs à celui du Gabon (tous ont des revenus par habitant inférieurs à 4120 dollars US):

42 Slovaquie

44 Pologne

45 Costa Rica

48 Venezuela

49 Panama

50 Mexique

52 Grenade

53 Dominique

54 Estonia

55 Croatia

57 Colombia

58 Cuba

59 Mauritius

60 Belarus

61 Fiji

62 Lithuania

63 Bulgaria

64 Suriname

67 Thailand

68 Romania

69 Lebanon

70 Samoa (Western)

71 Russian Federation

72 Ecuador

73 Macedonia, TFYR

74 Latvia

75 Saint Vincent and thenGrenadines

76 Kazakhstan

77 Philippines

80 Peru

81 Saint Lucia

82 Jamaica

83 Belize

84 Paraguay

85 Georgia

86 Turkey

87 Armenia

88 Dominican Republic

89 Oman

90 Sri Lanka

91 Ukraine

92 Uzbekistan

93 Maldives

94 Jordan

95 Iran, Islamic Rep. of

96 Turkmenistan

97 Kyrgyzstan

98 China

99 Guyana

100 Albania

101 South Africa

102 Tunisia

103 Azerbaijan

104 Moldova, Rep. of

105 Indonesia

106 Cape Verde

107 El Salvador

108 Tajikistan

109 Algeria

110 Viet Nam

111 Syrian Arab Republic

112 Bolivia

113 Swaziland

114 Honduras

115 Namibia

116 Vanuatu

117 Guatemala

118 Solomon Islands

119 Mongolia

120 Egypt

121 Nicaragua

122 Botswana

123 São Tomé and Principe

Remarques:

1) Le Gabon a des revenus par habitant (PNB) supérieurs à ceux de 73 pays parmi les 123 qui le précèdent.

2) Parmi les 123 pays qui le précèdent, certains ont des revenus par tête de moins de 1000 dollars, c’est-à-dire au moins 4 fois moins importants que ceux du Gabon. Il s’agit de pays comme:

90 Sri Lanka (800 dollars)

96 Turkmenistan (640)

97 Kyrgyzstan (480)

98 Chine (860)

99 Guyana (800)

100 Albania (760)

103 Azerbaijan (510)

104 Moldova, Rep. of (460)

108 Tajikistan (330)

110 Viet Nam (310)

112 Bolivia (970)

114 Honduras (740)

115 Namibia

118 Solomon Islands (870)

119 Mongolia (390)

121 Nicaragua (410)

123 São Tomé and Principe (290)

L’on remarquera le tout dernier pays de cette petite liste, le Sao Tomé, qui se classe 123ème juste avant le Gabon, mais qui n’a que 290 dollars de revenus annuels par habitants (PNB).

3 - GABON: INDICATEURS DIVERS (RAPPORT PNUD 1999)

Cette section va se consacrer à l’analyse des divers indicateurs socio-économiques du Gabon.

PRODUIT NATIONAL BRUT (PNB PAR HABITANT): 4120 dollars US. Contrairement à d’autres pays, et malgré le boom pétrolier et les richesses immenses du pays, le revenu par habitant (PNB) du Gabon n’a pas progressé. Il a en fait baissé de 2,9% depuis 1975.

AGRICULTURE: l’agriculture ne pèse plus au Gabon que 7% du PIB (PRODUIT INTERIEUR BRUT), contre 55% pour l’industrie (pétrole et bois surtout) et 37% pour les services. Un désastre pour un pays qui a besoin de se doter de bases agricoles comme support de son développement.

ESPERANCE DE VIE: le progrès n’a pas été significatif. En 1970, le Gabonais n’espérait vivre que 44 ans. Aujourd’hui, il n’espère vivre que 52,4 ans. La longevité est même en baisse par rapport aux rapports PNUD de 1997 et 1998 où l’espérance de vie était de 54,1 et 54,5 respectivement. Par ailleurs, la mortalité infantile est toujours très élevée puisque sur 1000 enfant qui naissent, 145 meurent avant l’âge de 5 ans. Les femmes qui meurent à l’accouchement restent également nombreuses: plus de 6000 à 7000 chaque année. Au Gabon, 49% des gens meurent avant 60 ans.

SANTE ET PREVENTION: 28% des nouveaux nés gabonais âgés d’un an ne sont pas vaccinés contre la tuberculose et 68% ne sont pas vaccinés contre la rougeole. Le Gabon ne compte que 19 docteurs et 56 infirmiers et infirmières pour chaque 100.000 habitants. C’est dire que les Gabonais sont médiocrement soignés. Notez qu’un pays comme le Sao Tomé compte 32 médecins pour 100.000 habitans, alors que son revenu par habitant (PNB) n’est que de 290 dollars, contre 4120 dollars pour le Gabon. Pire encore, en 1960 le Gabon dépensait 0,5% de son PNB pour la santé. Cependant, malgré le boom pétrolier des années 70 et la hausse de ses revenus, le Gabonais n’est toujours pas bien soigné par son gouvernement. Le pays ne dépense aujourd’hui que 0,6% de son PIB (Produit Intérieur Brut) pour la santé de ses citoyens, c’est-à-dire une maigre progression de 0,1% en presque 40 ans depuis 1960!!!

EDUCATION ET FORMATION: seulement 66,2 % de nos adultes sont alphabétisés. Par ailleurs, 41% de nos enfants n’atteignent même pas le CM1 (Cours Moyen élémentaire, niveau 1). Le Gabon ne dépense que 2,8% de son PNB pour l’éducation de ses citoyens. A titre de comparaison, le Botswana, le pays qui bat tous les records économiques en Afrique actuellement, dépense plus de 10,4% de son PNB pour l’éducation. En fait, les dépenses d’éducation n’ont fait que baisser au Gabon, puisque le pays dépensait 4,5% de son PNB pour l’éducation en 1985. 14 ans plus tard, le Gabon ne dépense plus que 2,8% pour l’éducation et la formation. Seules 56,8% des femmes gabonaises sont alphabétisées, contre 75% d’hommes.

TRAVAIL ET SECURITE DE L’EMPLOI: 78,3% des hommes en âge de travailler excercent une activité économique quelconque, contre 40,9% des femmes. Cependant, si l’on tient compte des rapports 1998, on peut conclure que plus de 60% des gabonais vivent encore en dessous du seuil de pauvreté, c’est-à-dire que leurs revenus mensuels n’atteignent même pas le SMIG.

ACTIVITE POLITIQUE DES FEMMES: Au Gabon, les femmes semblent encore souffrir de l’exclusion dans le domaine de l’activisme politique. La présence des femmes dans à tous les niveaux du gouvernement ne s’élève qu’à 7,7%, soit 3,3% au niveau ministériel et 11,4% au niveau non ou sous-ministériel.

DETTE: en 1985, la dette extérieure du Gabon ne s’élevait qu’à 1.206,2 millard de dollars US, soit 39% de son PNB. En 14 ans, cette dette a quadruplé, passant à 4.284,5 milliards de dollars US, soit 95,7% du PNB.

EXODE RURAL: en 1975, 29,2% de la population gabonaise vivait dans les villes et zones urbaines. Aujourd’hui, ce pourcentage est passé à 52,2%. Il atteindra 66,2% en 2015. Ce saignement des campagnes aura forcément des conséquences néfastes sur l’économie non seulement à cause du chômage occasionné par le surpeuplement des villes, mais aussi à cause du manque de bras pouvant supporter l’agriculture dans les campagnes désormais peuplées de vieillards en majorité.

DROITS HUMAINS ET CONVENTIONS RATIFIEES PAR LE GABON: le Gabon a ratifié la plupart des conventions internationales sur les droits humains. CEPENDANT, le Gabon n’a JAMAIS ratifié la convention contre la torture et autres traitements ou punitions cruelles, inhumaines ou dégradantes. Le régime d’Omar Bongo se réserverait-il ainsi le droit de continuer à emprisonner et à torturer ses opposants politiques en cas de nécessité?

Il va donc sans dire qu’au vu du parcours actuel du Gabon et de son enlisement continuel dans des dettes non-productives, des temps durs attendent ce pays qui fut jadis béni par les dieux, mais qui eut la malchance d’hériter de dirigeants qui, assoiffés de richesses, plongèrent leur pays dans la misère. La dégringolade socio-économique du Gabon ne fait donc que commencer.

BDP-Gabon Nouveau

Bongo Doit Partir, pour la construction d’un Gabon Nouveau.

Note: Nous donnons le droit à tout journal gabonais de reproduire cet article. Prière de mentionner son auteur.

 


Le parlement gabonais se doit de destituer Bongo

25 juin 1999, BDP-Gabon Nouveau

Dans tous les pays démocratiques--et parfois moins démocratiques--du monde, il existe des structures constitutionnelles pouvant permettre au parlement d'intenter, contre le chef de l'état et/ou le président de la république,une action visant à le démettre de ses fonctions en cas de crise grave affectant le fonctionnement normal de l’état.

C'est ainsi qu'en Tunisie, pays qui ne brille pas nécessairement par son libéralisme démocratique, le parlement parvint à se débarasser du vieux dictateur Bourguiba qui, à l'époque, avait été saisi de la folie des grandeurs qui lui fit rêver de devenir un jour président à vie dans son pays. En Afrique du Sud sous le régime d’apartheid, L’extrêmisme entêté de Pieter Botha lui valut les foudres du parlement qui l’invita à se retirer afin que des négociations de paix durable puissent se faire avec l’ANC et les autres forces politiques noires du pays. Plus récemment en Indonésie, Suharto fut "pacifiquement" évincé par la structure militaro-constitutionnelle du pays qui pria le bonhomme de se retirer à cause du brusque revirement négatif d'une économie qui, juste deux mois auparavant, était le symbole d'une réussite financière que les spécialistes du FMI et de la Banque Mondiale ne manquaient point de citer en exemple.

Plus récemment encore, le monde a vécu au rythme du scandale de la fesse de Bill Clinton dans ses démêlés avec Monica Lewinski et la justice américaine, scandale dont le juge Kenneth Star exploita à fond les possibilités juridiques. L'affaire Lewinski avait, certes, fait rigoler le monde entier à cause de son caractère quelque peu ridicule. De la perspective des pays qui ne sont pas l'Amérique, on ne démet pas un président de ses fonctions pour une simple histoire de fesses. Cependant, pour Kenneth Star et le peuple américain, ce n'était pas, à la base, la fesse en tant que telle qui était en jeu, mais bel et bien les principes de démocratie et de justice qui définissent l'état de droit américain style américain. Ainsi, au-delà même de la fesse se dessinaient plusieurs sujets de jurisprudence tels que:

- l'abus de pouvoir, non seulement vis-à-vis de Monica Lewinski sur lequel Bill Clinton en tant que Président de la république aurait pu faire pression, mais aussi vis-à-vis de la structure gouvernementale que le même président aurait pu exploiter à son avantage pour se dérober du regard scrutateur de la justice.

- obstruction de justice: Bill Clinton aurait en effet pu influencer négativement des agents de l'état dans le cadre de son désir de garder secrète sa relation avec Lewinski.

- une atteinte contre les lois protégeant les moeurs dans le pays car Monica Lewinski aurait pu, au début de la relation, avoir moins de 20 ans, ce qui, aux yeux des Américains, aurait été indécent.

Ce que ces actions lancées par le pouvoir judiciaire américain ont montré, c'est non seulement qu'un leader n'est pas dispensé de respecter la loi de son pays, mais aussi que le pays n'a pas que l'arme du vote électoral pour faire respecter ses principes d'équité et de probité.Elles ont aussi montré que chaque pays dispose d’outils constitutionnels multiples qui peuvent, dès prononcement, débarasser la nation de leaders qui ne répondent plus aux aspirations fondamentales du peuple et qui nuisent à la communauté en se maintenant au pouvoir contre toute logique productive.

Au Gabon, il semble malheureusement que le manque d'éducation politique qui règne dans le pays et qui empêche le citoyen gabonais, qu'il soit paysan ou député, de bien connaître sa constitution et de la faire respecter, est à l'origine d'une bonne partie des maux dont souffre notre pays aujourd'hui. Certes, le régime Bongo est, en grande partie responsable de ce drame, dans la mesure où il a plus éduqué les Gabonais à chanter ses louanges et à bouger les fesses au son du tam-tam qu'à connaître les fondements qui régissent le fonctionnement de l'état gabonais, et partant, sa constitution.

Il se trouve donc qu'aujourd'hui, plus de 95% de nos députés et sénateurs ne savent même pas ce que contient la constitution gabonaise et les clauses spéciales qu'elles contient en matière de destitution d'un chef de l'état. Evidemment, Bongo et son régime se sont assurés que la constitution gabonaise ne serait que vaguement connue par la classe politique. Ils se sont aussi assurés que ne seraient connues que les clauses qui consacrent les immenses pouvoirs du chef de l'état et qui, par exemple, stipulent que le chef de l'état a le droit de dissoudre le parlement. Ce que le système a bien sûr volontairement évité de rendre public est, évidemment, la possibilité qu'avait le parlement de destituer un président de la république jugé incompétent.

En termes limpides, ceci veut dire que n'importe quel député, sénateur, juge ou magistrat, avec l'aide d'une équipe de magistrats et d’avocats compétents, peut aisément demander la destitution du chef de l’état gabonais sur la base d’un procès qui aurait pour but de justifier l’incompétence de Monsieur Bongo et son incapacité à continuer à gérer dignement le destin de la république.

En fait, la notion d'incompétence ou d’incapacitation ne se limite pas qu'à la maladie, mort ou folie d'un chef de l'état. Elle se peut déclarer également dans le cadre de la gestion qui est faite du pays. Ainsi, il suffit de démontrer par les voies légales qu'il y a eu malversation, pour qu'il soit prouvé, au-delà de tout doute, que le président, par son manque de compétence et d'honnêteté, ou par son manque de rigueur dans la gestion et la protection des biens de l'état, ne mérite plus de diriger les affaires de la nation.

Or, au Gabon, les actes d'accusation et les preuves qui pourraient mener à la destitution LEGALE de Bongo et au démantèlement de son régime sont légion. Ils vont des assassinats politiques commandités par Bongo--aisément prouvés si une enquête simple est menée--au détournement de fonds publics--qui ne fait aucun doute-- tout en passant par le bafouement systématique des lois de l'état (subversion de l'état) par celui qui est supposé en être garant. Le cas de la négligence criminelle (le fait de laisser le pays aller à une dérive socio-économique qui cause la vie aux citoyens, etc.) est aussi à explorer s’il est prouvé que l’argent qui aurait pu sauver des vies dans les hôpitaux a été utilisé pour des besoins autres que ceux du pays en matière de santé ou autres.

Il serait donc désormais temps, nous le pensons, que la justice gabonaise, en conjonction avec le parlement, prenne ses responsabilités en faisant respecter l’esprit de la constitution gabonaise. A un moment aussi crucial pour l’histoire de notre pays, le Gabon ne peut se permettre ni un exécutif moribond comme celui que Bongo dirige, ni une justice moribonde telle que celle qui subit actuellement sans broncher la phagocytation de ses pouvoirs par le régime Bongo. En dernière analyse, le Gabon ne peut non plus se permettre un parlement amorphe qui, bien que conscient de la dérive actuelle du pays, n’ose pas s’avancer pour prendre ses responsabilités en demandant la destitution immédiate de Bongo.

Il est vrai que la plupart de nos parlementaires ont peur pour leur propre portefeuille au cas où Bongo déciderait, en cas de crise politique, de dissoudre le parlement. Cependant, c’est là une peur non justifiée car le chef de l’état n’a pas, constitutionnellement, le pouvoir de dissoudre un parlement au moment où celui-ci est en pleine procédure de destitution. Ce que cela veut dire est donc que dans un contexte de destitution, tout prononcement de dissolution du parlement par le chef de l’état est nul et non avenu. Le parlement peut donc tout simplement refuser sa propre dissolution en constatant l’incapacitation de Bongo et ainsi demander à l’armée d’arrêter immédiatement le chef de l’état pour abus de pouvoir et entrave à la justice. En d’autres termes, Bongo devra se plier aux exigences de la constitution, de peur de se voir totalement isolé ou écroué pour atteinte à la sécurité de l’état. Dans un cas de crise comme celle-là, il suffirait alors à l’armée, au parlement et à toutes les autres structures exécutives et judiciaires du pays de refuser d’obéir aux injonctions du chef de l’état pour que celui-ci se retrouve, de fait, destitué. Bongo ne peut donc sortir vainqueur d’un bras de fer avec la constitution. Tout ce que cela demande, c’est une mise en accusation par un député ou un magistrat qui, de par ses prérogatives, aurait le droit de lancer une telle procédure.

Que le parlement national et la justice gabonaise prennent donc leurs responsabilités dès maintenant. Le temps presse. Chaque jour, chaque mois qui passe avec Bongo à la tête du pays nous rapproche un peu plus du gouffre. Une destitution de Bongo par une action combinée du législatif et du judiciaire serait à même de débarasser LEGALEMENT et PACIFIQUEMENT le pays de Bongo sans pertes humaines. Et si d’aventure Bongo s’amusait à résister par les armes à une procédure constitutionnelle tel que Sassou l’a fait au Congo, il deviendrait évident que son dessein a toujours été de prendre le Gabon en otage. Dans un tel contexte, il ne sera plus nécessaire pour qui que ce soit au Gabon ou à l’étranger de se faire des scrupules pour un régime dont le but est d’assassiner son propre peuple: Bongo devra alors être balayé par la force.


Emile Doumba peut-il réussir?

Dr. Daniel Mengara

Coordinateur, BDP-Gabon Nouveau

14 juin 1999

La nomination d'Emile Doumba au poste de Ministre des finances en janvier dernier est probablement l'une des rares bonnes décisions que l'on ait jamais vu prendre le régime Bongo. C'est que la classe politique gabonaise et ceux qui observent le Gabon de l'étranger se disent que, pour une fois au Gabon, l'homme qu'il faut a été nommé à la place qu'il faut. C'est ainsi que dans sa livraison No 2000-2001 du 11 au 24 mai 1999 (pp. 68-71), Jeune Afrique présente élogieusement ce "Joker de Bongo" au monde entier comme une personnalité dont les qualités austères et les compétences seraient pour le pays comme le dernier rempart contre la chute libre déjà bien avancée du Gabon vers la banqueroute inévitable. Au Gabon même, Emile Doumba projette l'image d'un homme intègre qui, de par sa nouveauté et ses compétences, rassure bon nombre de Gabonais.

De motivation pour sa nouvelle vocation de réformateur des finances de l'état gabonais, Emile Doumba ne semble point manquer. En effet, le nouveau grand argentier du Gabon n'a pas attendu le déluge de Noah pour marquer de son sceau réformateur le ministère qu'il occupe depuis seulement 6 mois. A son bilan, deux initiatives majeures:

1) un audit toujours en cours des finances publiques qui a permis et devrait, si poursuivi, continuer de délimiter les zones d'ombre qui nuisent à la bonne gestion des fonds publics. Déjà, Emile Doumba s'était distingué le 17 avril dernier en faisant dévoiler dans l'Union—cas unique dans l'histoire du Gabon pour son ampleur—une loi des finances rectificatives qui, publiquement et sans complaisance, permit aux Gabonais de se faire une idée plus précise de l'état des finances publiques: les besoins de dépense de l'État, apprit-on ce jour-là, s'élevaient à un énorme 1492 milliards de F CFA, alors que les recettes budgétaires réelles ou anticipées ne constituaient qu'un maigre 550 milliards. Evidemment, comme avec tout ce qui se passe au Gabon, la soudaine transparence de Doumba ne devraient pas conduire le pays à la naïveté. Ce geste semble avoir été accompli plus pour les beaux yeux des banques internationales et gouvernements étrangers qui scrutent le Gabon que pour ceux des Gabonais.

2) la chasse aux quelques 10.000 fonctionnaires fantômes sur les 40.000 "officiellement" recensés qui hantent actuellement les finances de l'état gabonais et qui en alourdissent sérieusement l'ardoise des dépenses. Evidemment, sans la pression et le travail de cadrage des syndicats, une telle initiative n'aurait probablement jamais été prise. De plus, à la date du 6 mai, seulement 350 bons de caisse suspects avaient été répérés (L'Union, 6 mai 1999). C'est peu, et très lent comme avancée, surtout si l'on considère qu'il y a encore près de 9650 agents "fantômes" à dénicher.

Ces deux initiatives majeurs—qui sont pratiquement les seules engagées jusqu'à présent-- constitueraient donc déjà le premier acte mitigé d'une représentation théâtre d'avance vouée à l'échec puisqu'on en connaît le piètre metteur en scène: Omar Bongo. Certes, Emile Doumba fait figure d'homme capable de réussir le pari de la réforme. Mais cela ne serait possible qu'au sein d'un gouvernement qui lui en donnerait les moyens. Malheureusement pour lui, le Gabon étant toujours ce bon vieux Gabon de depuis 1967, et Bongo étant resté l'Albert que nous connaissons depuis 1967, la question qui s'impose est simple et directe: Emile Doumba pourra-t-il réussir sa réforme des finances de l'état avec Bongo et Ntoutoume comme patrons?

La réponse à cette question est, elle-aussi, simple et directe: NON, EMILE DOUMBA, MALGRE SA BONNE VOLONTE ET LES QUALITES DE BON GESTIONNAIRE QUI LUI SONT RECONNUES, NE REUSSIRA PAS.

Pourquoi?

1) Parce que le Minsitère des finances n'est qu'un organe de l'état parmi tant d'autres. L'état doit être compris comme un organisme humain. Si le corps d'un patient est léprosé, l'on ne peut s'attacher à n'en guérir que les doigts sans s'occuper du mal dans son entièreté. Tout succès des réformes particulières engagées doit donc d'abord forcément passer par une réforme préalable de l'état. Sans une réforme de l'état dans son entièreté, tout acte d'assainissement des finances publiques est voué à l'échec car il constituerait tout simplement un acte de sanitation isolé, véritable goutte d'eau qui se diluerait automatiquement dans la marre nauséabonde d'un état pourri de haut en bas par 32 années de malversations éhontées.

Qu'implique une réforme de l'état? Elle suppose l'établissement de règles du jeu claires et sans ambiguïté. Ces règles du jeu sont celles qui, sur le plan des institutions, doivent passer par l'établissement d'un véritable état de droit non encore existant dans le Gabon d'aujourd'hui. Or, quand on sait que l'état de droit ne peut naître que dans un contexte d'état démocratique, alors on se rend compte que ce n'est pas demain que des réformes dignes de ce nom se feront dans le Gabon de Bongo.

Le rôle qu'un état démocratique joue dans l'établissement d'un état de droit n'est plus à démontrer. Parce que l'état démocratique garantit l'alternance politique, il permet la transformation de la mentalité politique de ses leaders qui doivent, s'ils veulent continuer à diriger le pays, faire montre de compétence et de vision. Les leaders sans compétence et sans vision sont ainsi triés et rejetés par le peuple à chaque consultation électorale car l'état démocratique garantit une telle possibilité. En même temps, un tel état, qui ne pardonne pas la médiocrité, assure l'émergence dans le pays d'une classe de dirigeants qui auraient à coeur de travailler pour le bien de tous et qui savent que tout écart de conduite pourrait mener non seulement à leur révocation par les mécanismes institutionnels ou démocratiques qui existent, mais aussi leur questionnement par la justice en cas de suspicion légale. L'état démocratique se lit ainsi comme cet état qui, tout en garantissant la révocation de ses dirigeants, s'assure aussi, au travers de l'état de droit qu'il impose, que ces mêmes dirigeants soient, comme tous les autres citoyens, soumis aux rigueurs de la justice s'ils se retrouvaient impliqués dans des actes illicites. Un bon exemple de ce type d'état est indubitablement l'Amérique où la justice serait capable de mettre en prison son président si celui-ci manquait de déclarer UN SEUL DOLLAR de revenu sur sa feuille d'impôts.

Ce que l'on voit donc au Gabon actuellement, c'est beaucoup de discours sur les actes ISOLES d'Emile Doumba dans un état de NON-ETAT qui, de par sa lourdeur, interdit justement le succès des réformes envisagées. En d'autres termes, la réforme des finances publiques de Doumba ne pourra réussir que si les règles du jeu qui doivent régir le fonctionnement GLOBAL de l'état sont fixées au préalable. Une telle réforme impliquerait donc des mesures telles:

-- une révision immédiate de la constitution qui garantirait non seulement l'alternance politique, mais aussi la séparation effective des pouvoirs exécutifs, judiciaires et législatifs. Une telle révision réduirait ainsi assez profondément les pouvoirs du président de la république actuel et de tout futur président, tout en donnant plus de poids au parlement et au judiciaire.

-- d'une telle révision découlerait donc la possibilité immédiate d'enquêtes judiciaires dont le but serait de mettre un terme, et au besoin, de punir par la prison, les amendes ou les saisines, les exactions commises par ceux qui dirigent l'état gabonais depuis 32 ans et par ceux qui les remplaceront. Elle pourrait aussi aboutir à la reconnaissance de l'inconstitutionalité du régime actuel et à de nouvelles élections indépendamment conduites.

En gros donc, toute réforme de l'état actuel par le biais d'un état démocratique devrait pouvoir mener à l'établissement d'un état de droit qui, si le pays le jude nécessaire, devrait être capable de traduire Bongo en justice dans le cadre d'une enquête routinière et d'aboutir, le cas échéant à une condamnation. En d'autres termes, tant que le système judiciaire ou législatif gabonais ne pourra traduire ses dirigeants en justice, on ne pourra parler d'état de droit au Gabon. Par conséquent, toute réforme de l'état Bongo par lui-même ne verra jamais le jour. L'action louable d'Emile Doumba est donc vouée à l'échec car pour le moment, il est en train de mettre la charrue avant les boeufs et, dans un tel contexte, les boeufs finissent toujours par se casser les pattes dans la charrue qui leur barre le chemin.

2) Doumba échouera également parce qu'il fonctionne actuellement dans un système fossilisé. La corruption du système Bongo ayant atteint les limites du supportable, la plupart des dirigeants--Bongo lui-même en tête—étant impliqués dans des malversations innommables, l'incompétence due au favoritisme et au clientélisme ayant atteint son paroxysme, et les vieilles habitudes de gestion, de dépenses et de fonctionnement étant devenues une seconde nature dans le régime actuel, le travail isolé que pourrait faire Emile Doumba ne vaudra pas un rond face à l'ampleur du mal Bongo.

Déjà les actes posés par Doumba révèlent l'inutilité désormais avérée de toute réforme du système bongolien. Prenons par exemple les fonctionnaires "fantômes" qui ont fait et font encore jaser le Gabon. Que pèseront, dans la balance des réformes financières, les petits et minables salaires que les 10.000 fonctionnaires fantômes sont supposés toucher? Sans doute des miettes comparés aux milliards (30 millions de CFA en moyenne par membre selon Lemboumba Lepandou, ancien Ministre des finances de Bongo) que touchent les actuels ministres et que continuent de toucher les anciens ministres et cadres à qui Bongo n'a jamais arrêté de payer les salaires parce qu'il ne voulait pas se les aliéner (peur des coups d'état oblige). En plus, les divers réseaux de soutien imbriqués et inextricables qui gravitent et se nourrissent de la présence de Bongo constituent encore aujourd'hui des sangsues si avides qu'elles amplifient le gouffre financier qui continue de vider les caisses de l'état sans que personne, pas même l'impuissant Doumba, ne puisse en stopper l'hémorragie.

Ainsi, dans le contexte actuel qui demande que des sacrifices soient faits par tout le monde, la seule chose crédible à laquelle auraient dû se livrer Doumba et le régime Bongo pour prouver leur sérieux aux Gabonais était, en plus de la chasse aux "fantômes", de:

1) Réformer totalement la grille des salaires. Cette réforme voudrait donc que tous ceux qui touchent des salaires au dessus de 3 millions de CFA soient ramenés à un seuil proportionnel qui permettrait à l'état dégager des économies. Par exemple, si un ministre gagne 30 millions par mois en moyenne, cette moyenne doit être ramenée à 4 millions de CFA. Ainsi, le salaire maximal d'un ministre ne dépasserait jamais 4 millions de CFA par mois, tandis que le salaire du président serait fixé à 5 millions de CFA au grand maximum. Il s'agirait par la suite de tout simplement ajuster le reste des salaires au-dessus de 3 millions pour proportionnellement les ramener à la limite des 3 ou 2 millions de F CFA.

2) Eliminer toutes les autres dépenses annexes qui ruinent l'état. Ainsi, par exemple, tout agent de l'état qui a droit à un véhicule, qu'il soit ministre ou pas, n'obtiendrait plus qu'une seule voiture de FONCTION. Chacun serait alors responsable soit de conduire soi-même sa propre voiture, soit de payer un chauffeur de sa propre poche. De surcroit, toute utilisation privée (commerciale ou autre) des véhicules de fonction devrait être sévèrement punie. La règle générale devrait également vouloir que tout véhicule de fonction soit remis, en bonne et due forme, à l'état dès lors que l'on n'occupe plus la fonction idoine. En appliquant immédiatement de telles mesures, l'état pourrait rassembler des sommes considérables en récupérant tout le surplus de voitures de fonction qui resterait et les revendre aux enchères publiques afin de regarnir ses caisses. D'autres secteurs de dépenses à maîtriser seraient les billets d'avion trop souvent offert gratuitement aux membres du gouvernement et à leurs familles. Ainsi, chaque membre du gouvernement ou de l'administration devrait payer son propre billet quand il entreprend un voyage privé.

3) Lancer une guerre tous azimuts contre le fléau de la corruption qui fait du Gabon l'un des pays les plus corrompus du monde. Ainsi, du policier qui soutire illégalement de l'argent à un taximan équato-guinéen à Mont-Bouet au chef de l'état lui-même lorsqu'il corrompt ou se fait corrompre, toute personne fautive devrait pouvoir être soumise à l'examen de la justice.

4) Réduire, de manière draconnienne, les personnels administratifs redondants qui ont souvent été mis en place de manière fantaisiste par les diverses administrations. Ainsi, en gardant un personnel administratif réduit au stricte minimum, l'état serait à même de focntionner plus efficacement tout en réalisant des économies substancielles.

5) Réduire de manière draconnienne, c'est-à-dire de moitié, le nombre de parlementaires (au Sénat comme à l'Assemblée nationale). Réduire également de moitié le gouvernement afin d'en assurer l'efficacité technique, tout en réalisant des économies sur les salaires faramineux qui leur sont actuellement payés.

On ne peut évidemment faire toute la politique du gouvernement à sa place ici, mais il n'en demeure pas moins qu'aujourd'hui les besoins du Gabon semblent s'opposer foncièrement à ceux du système Bongo. Les besoins du Gabon se définissent aujourd'hui par la nécessité d'un changement au travers de réformes immédiates, tandis que ceux du système Bongo se résument à un combat égoïste pour une survie qui ne recule devant rien pour maintenir le système corrompu actuel en place, en dépit des aberrations commises au niveau de la gestion de la chose publique.

Emile Doumba, qui a pratiquement volé la vedette à Ntoutoume Emane—on croirait en effet que Doumba est le vrai premier ministre du Gabon en ce moment—est donc voué à un échec certain. A ce titre, l'on peut déjà faire un constat qui va dans le sens d'un fiasco cuisant. En effet, selon Misamu,

Les réformes que tentent d'entreprendre l'actuel patron du département de l'Economie et des Finances et sur lesquelles beaucoup ont glosé commencent à montrer leurs limites. Les quelques remplacements faits obéissent à la logique du partage ethnique du pouvoir. L'organigramme reste le même, avec une pléthore de conseillers en tous genres, de secrétaires particulières, d'agents de sécurité et de chauffeurs particuliers. Tous ceux qui ont cru à une éventuelle réduction du train de vie de l'Etat en ont eu pour leurs comptes. Ne dit-on pas que «la charité bien ordonnée commence par soi-même» ? Les grosses cylindrées immatriculées 151 continuent à sillonner de jour comme de nuit les rues, ruelles et autres sentiers boueux de Libreville, quand elles ne font pas le transport clandestin sur la route de Kango (F. Bounda, Misamu, 31 mai 1999).

Ce que ce commentaire de F. Bounda démontre c'est que les veilles habitudes du système bongolien ne tardent jamais à phagocyter les meilleurs d'entre-nous dès lors que l'on décide de s'y allier. Doumba est certes un Gabonais dont les compétences correspondent en effet à un idéal que l'on n'a plus jamais vu dans le système Bongo depuis belle lurette. Cependant, tout comme tous les compatriotes chargés de bonnes intentions qui se seront associés au système Bongo dans l'espoir de le changer, Doumba devra très bientôt se rendre à l'évidence: au Gabon, personne ne change le système Bongo. C'est toujours, au contraire, le système Bongo qui vous change. Doumba ne manquera donc point de finir là où de nombreux autres ont fini avant lui: dans les poubelles de l'histoire gabonaise. Dans ces poubelles-là, il ne sera qu'un bongoïste corrompu et pourri parmi tant d'autres.

Dr. Daniel Mengara

Coordinateur, BDP-Gabon Nouveau.