Journaux Gabonais:  L'Union


Le FODEX à l'heure du ramadan financier

L'Union, 01/06/1999, NDEMEZO’O ESSONO

RESSOURCES-BAD bloquées jusqu’à nouvel ordre. Ressources-États pas très sûres. Taux de remboursement des crédits assez faible. Le Fonds de développement et d’expansion de la PME/PMI (FODEX) s’apprête à vivre la plus grave crise financière de son histoire. Compte tenu du rôle joué par cette institution dans le financement des PME/PMI, nul doute que la sécheresse financière en vue aura des conséquences néfastes sur le quotidien des Gabonais, notamment ceux qui sont à la recherche de financements pour se lancer dans les initiatives privées. Tout le monde s’accorde aujourd’hui pour estimer qu’un secteur privé florissant est un gage de succès économique. Or, les Gabonais sont encore insuffisamment représentés dans ce secteur, faute de savoir-faire et d’investissements suffisants. Il faudra donc à la direction du FODEX beaucoup de ténacité et d’ingéniosité pour maintenir le cap. Dans notre dossier, nous passons en revue les difficultés du FODEX, son bilan et les conditions à remplir pour obtenir un crédit FODEX.

Faire face à son destin

Le Fonds de développement et d’expansion de la PME/PMI (FODEX) est une structure autonome mise en place pour centraliser les ressources issues d’un prêt de 38 milliards de francs CFA consenti au Gabon par la Banque africaine de développement (BAD), en 1993. Aujourd’hui, cette institution dirigée par Mme Jeanne Ngoleine Ossoucah, risque de connaître quelques difficultés en raison du tarissement de ses ressources financières.

LES mesures suspensives de financement prises par la communauté financière internationale à l’égard du Gabon et la crise économique qui affecte actuellement notre pays risquent d’entraîner le FODEX dans une passe financière difficile. Le constat en a été fait le 21 mai dernier à la Primature par les membres du Comité de direction du Fonds de développement et d’expansion de la PME/PMI. Les institutions de financement internationales ont décidé, en début d’année, de couper les vivres au Gabon pour cause, semble-t-il, de non respect de ses engagements. Du coup, le FODEX, dont le principal bailleur de fonds est la BAD, voit le dernier décaissement d’un montant de 8 milliards de francs CFA en sa faveur, bloqué par cette institution régionale “jusqu’à nouvel ordre”. De surcroît, le président Bongo avait averti : “avec un prix du baril de pétrole aussi bas qu’aujourd’hui, avec la mévente du bois due à la crise asiatique et l’épuisement de nos gisements d’uranium, l’année 1999 s’annonce difficile pour nous. J’ai l’honnêteté et le courage de le dire». C’est pour coller à cette réalité que le projet de budget 1999 de l’État a été révisé en forte baisse de 40,25% du fait notamment de “l’affaiblissement de la demande mondiale touchant les principaux produits d’exportation hormis les grumes”. Parmi les objectifs fixés par la loi de finance rectificative figurent l’assainissement des finances publiques, la rationalisation et la réduction des dépenses publiques, la maîtrise de la dette publique et la poursuite des mesures structurelles.

DILEMME

Dans cette perspective, les ressources octroyées par l’État au FODEX risquent soit de ne plus lui être versées pendant un certain temps, soit de subir des coupes sombres, l’État ayant désormais d’autres priorités. “Déjà la subvention de l’Etat ne tombait pas régulièrement et de toutes les façons, cette subvention n’est pas très élevée au regard de nos autres sources de financement” souligne cependant une source du Comité de direction du FODEX. Si l’on ajoute le fait que beaucoup de promoteurs ne remboursent pas les fonds empruntés, on peut sans risque de se tromper affirmer que le FODEX s’apprête à vivre des moments difficiles. L’administrateur général du Fonds de développement et d’expansion de la PME/PMI, Jeanne Ngoleine Ossoucah affirme cependant qu’il n’y a pas péril en la demeure. “Notre trésorerie est encore bonne et le FODEX a d’autres sources de financement pouvant lui permettre de continuer à remplir correctement ses missions” insiste-t-elle en faisant allusion à la Provision pour investissements diversifiés (PID).

TÉNACITÉ ET INGÉNIOSITÉ

Le FODEX se trouve toutefois devant un dilemme: soit rembourser les dettes en réduisant à sa plus simple expression le financement des micro-projets ; soit continuer à financer les micro-projets comme auparavant et ne plus honorer les échéances dues à la BAD. “La porte n’est pas fermée du côté de la BAD. La balle est dans le camp du gouvernement qui doit, soit privilégier le règlement de la dette, soit privilégier le financement des micro-projets” indique Mme Jeanne Ngoleine Ossoucah qui souligne que le FODEX a toujours été en règle envers la Banque africaine de développement. C’est ainsi, par exemple, que dans le cadre de la dette publique, il a réglé l’année dernière sa première échéance d’un montant de 437 millions de F CFA. Et il s’apprête à honorer celle de 1999 qui est de 563 millions de F CFA. L’argent est versée au trésor public qui se charge de le remettre à la Banque africaine de développement. Toujours est-il que les dirigeants du FODEX doivent faire preuve de ténacité et d’ingéniosité pour sortir de la zone de turbulence. Et cela au moment où le pays s’engage résolument sur la voie de la libéralisation de l’économie, qui consiste principalement à encourager l’initiative privée et à promouvoir l’esprit d’entreprise, à favoriser la concurrence et l’ouverture sur l’extérieur, dans le cadre de l’intégration sous-régionale.

Favoriser l'émergence du secteur privé.

LE FODEX est un établissement public crée par l’ordonnance n° 0001/93 PR du 15 avril 1993. Il est placé sous la tutelle du Premier ministre, chef du gouvernement. Mais ce n’est qu’une question de temps car le Conseil national du crédit exige que toutes les institutions financières de l’État soient désormais placées sous la tutelle du ministère des Finances. La raison d’être du FODEX est de soutenir et développer la PME/PMI au Gabon, par l’octroi de crédits destinés à la création, à l’expansion et à la restructuration des entreprises. Le Fonds a financé depuis sa création 686 projets pour un montant de 16 252 859 414 F CFA, un taux de réalisation jugé insignifiant par bon nombre de Gabonais. Le taux de remboursement, quant à lui, est assez faible. Ce bilan “mitigé” posant le problème de l’efficacité d’un tel système, le Conseil des ministres du 27 mai 1998 avait pris trois mesures “prioritaires” d’accompagnement, exigées par la BAD, pour rendre le FODEX plus efficace. Il s’agissait, d’une part, de la prise en compte du Code des investissements et du Guichet unique dans la Charte des investissements et la création des domaines industriels dans les principales zones de développement du pays. Et, d’autre part, de redynamiser la structure de gestion pour permettre une absorption du prêt, afin de la rendre plus opérationnelle sur le terrain et plus performante ­ un contrat de performance devait être signé entre le FODEX et le gouvernement.   Ensuite, recentrer les relations d’études des projets principalement avec PromoGabon et de financement avec la Banque gabonaise de développement (BGD), la Banque nationale de crédit rural (BNCR) et le Fonds d’aide et de garantie aux PME (FAGA). Et, enfin, obtenir de la BAD l’éligibilité de tous les secteurs d’activité, y compris le commerce général des produits locaux, à l’exemple des interventions dans d’autres projets du genre. Enfin, au-delà de la redynamisation du FODEX, il était prévu de mener une réflexion profonde sur la promotion du secteur privé national par des actions multiformes, de nature à créer des richesses et des emplois durables. Mais il persiste, malgré tout, un problème majeur : les Gabonais entreprennent peu et ce nonobstant les efforts du gouvernement. C’est pourquoi le FODEX se propose d’intensifier la formation, l’éducation et le suivi des promoteurs. Ses experts sillonnent actuellement la province de l’Estuaire pour recenser et localiser les projets financés par le Fonds.

686 projets déjà financés

A la date du 10 mai 1999, le FODEX a financé à travers son réseau de banques 686 projets dont le coût total s’élève à la somme de 26 688 958 758 F CFA et le montant des crédits à 16 252 859 414 F CFA. Ces ressources proviennent pour 13 058 963 576 F CFA de la BAD et pour 3 193 895 838 F CFA de l’Etat gabonais. D’après une définition de la BAD, sont considérés comme micro-projets, ceux dont le coût d’investissement est inférieur à 30 millions de F CFA et comme macro-projets tous les autres projets dont le coût d’investissement est supérieur à ce montant. Les micro-projets , au nombre de 540 pour un coût total de 4 243 100 141 F CFA et représentant 79% de l’ensemble, ont été financés pour un montant de 3 441 195 912 de F CFA, alors que les macro-projets, au nombre de 146 pour un coût total de 22 445 858 617 F CFA et ne représentant que 21% de l’ensemble, ont mobilisé des ressources pour un montant de 12 811 663 502 F CFA. Par rapport au coût d’investissement des projets financés, il ressort que le coût moyen d’investissement d’un macro-projet est de 160 millions de F CFA, et celui d’un micro-projet d’environ 8 millions de F CFA. Les macro-projets, bien qu’en nombre inférieur (21%), ont consommé plus des 3/4 de l’enveloppe destinée au financement des projets. Les banques ayant le plus participé au financement de ces projets sont les banques de développement, avec par ordre d’importance la BGD qui a financé 292 projets (43%) et la BNCR avec 261 projets (38%). Il y a lieu de noter l’arrivée récente de deux banques : La Populaire et Interfi qui participent déjà au financement des projets. En volume de crédits octroyés, la BGD demeure la principale banque, avec des prêts de 8 761 676 156 F CFA représentant 54% de tous les financements. Ensuite, arrive en deuxième position une jeune banque, La Populaire avec des crédits de 2 141 008 251 F CFA, soit 13% de l’ensemble. La banque contribuant le moins au financement des projets est la BGFI, avec seulement des crédits de 202 806 764 F CFA, soit 1% du volume des crédits. Ces crédits ont servi à financer tous les secteurs d’activité, à savoir le primaire avec 174 projets (25%), le secondaire avec 162 projets (24%) et enfin le tertiaire avec 350 projets (51%). Il ressort de ces données que le secteur le plus sollicité est celui relatif aux prestations de services, qui a également le plus bénéficié des crédits, avec un montant de 4 880 308 270 F CFA, représentant une part substantielle des ressources allouées au financement des projets.

Sur le plan géographique, il existe une forte disparité des financements, liée à la concentration du quart de la population à Libreville et ses environs. Ainsi, dans la province de l’Estuaire 78% de projets ont été financés soit 534 projets correspondant à 76% des crédits allouées (12 416 762 860 F CFA). La province se classant en deuxième position est celle du Moyen-Ogooué avec 15% de projets financés correspondant à 10% de l’ensemble des crédits alloués, soit un montant de 1 544 339 156 F CFA pour 32 projets. Les performances des sept autres provinces sont les suivantes : Woleu-Ntem (23 projets financés correspondant à un montant de 432 125 000 F CFA) ; l’Ogooué-Maritime (34 projets correspondant à 532 536 011 F CFA) ; la Ngounié (18 projets correspondant à 665 484 852 F CFA); l’Ogooué-Lolo (13 projets correspondant à 362 508 612 F CFA) ; l’Ogooué-Ivindo (10 projets correspondant à 45 235 852 F CFA) ; la Nyanga (7 projets correspondant à 46 390 000 F CFA); le Haut-Ogooué (15 projets correspondant à 207 477 071 F CFA).
A noter que les femmes font une percée honorable, avec 203 projets dont le coût total est de 4 933 198 756 F CFA, soit 30% des projets correspondant à 19% du montant des crédits (3 013 808 848 F CFA). Bons premiers, les hommes enregistrent 483 projets (70% des projets) pour un coût total de 21 755 760 002 F CFA, correspondant à 81% du montant des crédits (13 239 050 566 F CFA).

Comment fonctionne le FODEX?

LE FODEX fonctionne à travers quatre guichets. Le guichet “Etudes” finance 50% du coût des études de faisabilité réalisées par des bureaux et cabinets d’études agréés, ainsi que 50% du coût du suivi des projets financés par le FODEX. Il assiste également les promoteurs à la formation et à la gestion de l’entreprise. Le guichet “Développement” finance les projets jusqu’à 70% du coût d’investissement. Le taux d’intérêt est de 12% l’an et la durée du crédit varie entre 10 et 15 ans, avec un éventuel différé de remboursement de 30 mois maximum. Le guichet “Participatif” permet au promoteur, au moyen d’un prêt participatif, de compléter la part des fonds propres nécessaires à la réalisation du projet. Le guichet “Garantie” a, comme son nom l’indique, pour rôle de garantir le prêt consenti par le FODEX à la PME/PMI à hauteur de 50% du crédit (guichet Développement). La garantie du FODEX intervient en complément aux autres garanties demandées par les banques.

Comment obtenir un crédit FODEX?

l Financement des micro-projets sur fonds Etats 

1) Les conditions d’obtention
- être de nationalité gabonaise (personne physique ou morale);
- avoir un compte bancaire dans l’une des banques agréées ;
- adresser une lettre de demande de crédit à l’une des banques agréées ;
- fournir une étude de faisabilité et deux photos d’identité récentes, un plan de localisation du projet ou de l’entreprise, un agrément de commerce, une caution morale, un nantissement ou un avaliste, relier le dossier et le déposer en double exemplaire au FODEX (immeuble les Forestiers en face de la SNBG).

2) Les caractéristiques du crédits
- coût d’investissement : 100 000 à 2,5 millions (pour la tranche 1) et 2,5 millions à 29 millions (pour la tranche 2) ;
- apport personnel : néant (pour la tranche 1) et 10% du coût du crédit d’investissement (pour la tranche 2) ;
- taux d’intérêt : 10% ;
- durée de remboursement : 36 mois maximum (pour la tranche 1) et 60 mois maximum (pour la tranche 2) ;
- différé de remboursement : six mois maximum à l’appréciation des banques;
- garanties : nantissement, caution morale ou avaliste (pour la tranche 2).

lFinancement des projets sur les ressources BAD

1) Les conditions d’obtention
- une demande adressée à une banque de votre choix comprenant :
- votre adresse et contacts précis ;
- vos références bancaires;
- le montant du crédit sollicité ;
- l’objet du crédit sollicité ;
- le plan de localisation de votre activité ;
- la photocopie légalisée d’une pièce d’identité gabonaise du promoteur ;
- fournir une étude de faisabilité du projet ;
- fournir les factures pro forma et devis des investissements à réaliser ;
- fournir un dossier juridique (agrément de commerce, déclaration d’immatriculation statistique, fiche circuit et patente, déclaration d’immatriculation au régistre de commerce, statuts pour les sociétés à responsabilité limitée et sociétés anonymes.

2) Les caractéristiques du crédits
- taux d’intérêt : 12% ;
- durée maximum de remboursement : 48 mois ;
- coût maximum du crédit : 70% du coût total du projet H.T.;
- fonds propres (apports personnels) : 30% ;
- garanties : celles exigées par les banques.


Adapter le Système Éducatif Gabonais

L'Union, 27/05/1999, NDEMEZO’O ESSONO

L’AVENIR de l’économie gabonaise est intimement lié à celui de la formation des jeunes Gabonais à tous les niveaux du système éducatif. Or les systèmes d’éducation et de formation professionnelle du pays sont inefficients et inefficaces parce que ne tenant pas compte des besoins des entreprises et de l’économie: la sous-qualification des actifs est paticulièrement préoccupante, la proportion de population titulaire de diplômes techniques ou scientifiques est inférieure à 10%. Ils n’ont donc pas un bon rendement interne. Il suffit pour s’en convaincre de se référer aux taux de redoublement et d’échecs scolaires dont sont victimes les jeunes. Selon l’Office national de l’emploi (ONE), sur un groupe de 1000 élèves entrant en sixième, seuls quatre auront le baccalauréat sans redoubler. Pour les adultes, on note que le système de formation professionnelle assure de moins en moins la formation continue pour le perfectionnement des travailleurs en activité ou la réinsertion des travailleurs en quête d’un nouvel emploi. Bien plus, ils ne dispensent pas aux jeunes des formations utiles pour accéder aux emplois offerts par le marché du travail ; d’où le chômage des diplômés. En outre, l’ONE estime que les possibilités de” bonne” formation sont devenues rares dans le pays du fait surtout du non développement du système de formation professionnelle. Indépendamment de la qualité des formations, le système reste limité quant au niveau de celles-ci, leur diversité et la capacité d’accueil de ses institutions.

Pour ce qui est des niveaux de formation, il ressort que le système de formation professionnelle ne s’occupe que des élèves du secondaire et ce, à partir de la cinquième. Il n’accueille pas les jeunes ayant le niveau du primaire ni celui de la sixième. Il en est de même pour les jeunes du niveau supérieur. Les formations dispensées par ce système sont très peu diversifiées. Un accent démesuré est mis sur les formations au métier du tertiaire. Alors que le pays a plutôt besoin de personnes formées aux métiers du secteur secondaire, c’est-à-dire construction et industrie. Quant aux capacités d’accueil, elles restent très en-dessous des besoins de l’économie. Ce qui se traduit par la forte prépondérance de l’enseignement général. Conséquence, le marché de l’emploi souffre de plus en plus d’une carence aigüe en personnel qualifié (cadre notamment), ce qui implique le recours aux expatriés dont le coût de recrutement est élevé, en techniciens supérieurs et en ouvriers. Si le pays veut donc augmenter son taux de représentativité dans la sphère économique et dans les postes techniques, il doit réduire dans toute la mesure du possible les inadéquations constatées entre la formation et l’emploi. Une attention particulière doit ainsi être accordée à l’amélioration du système éducatif et à l’adaptation des filières de formation aux besoins de l’économie. Diverses mesures ont été prises et des réformes du système éducatif sont en route.


Assemblée Nationale : Elle Court, Elle Court la Rumeur...

L'Union, 27/05/1999, MBEGAH EFFA

EN pleine récession économique et financière, le pays fourmille de rumeurs les plus folles, aussi incontrôlables les unes que les autres. Evidemment, la période s’y prête. Parmi les plus pressantes et les plus alarmantes, figure une possible dissolution de l’actuelle Assemblée nationale. Le but, dit toujours la rumeur, serait que le président Bongo dispose d’une nouvelle majorité au Parlement afin de mieux asseoir les réformes en cours. Passés maîtres dans l’art d’affabuler, certains prétendent même que lors de sa tournée transaméricaine, Omar Bongo aurait fait l’objet de pressions de la part des institutions financières pour qu’il réduise l’équipe gouvernementale, jugée pléthorique. Premiers à saliver à cette perspective, les leaders de l’opposition dont l’activisme de ces derniers temps n’est nullement innocent. D’autant moins innocent qu’on est tout de même encore à deux ans des législatives pour que le scrutin lointain ne suscite pas un engouement particulier. On se demandait ce qui faisait tant courir nos leaders politiques. Voilà donc la réponse toute trouvée. Dans leur construction intellectuelle, beaucoup d’entre eux prétendent même qu’Omar Bongo aurait la ferme intention de mettre à la tête du futur gouvernement un Premier ministre issu de l’opposition. Donc une sorte de cohabitation à la sauce gabonaise.
Cela signifie donc en clair qu’en cas de législatives anticipées, c’est l’opposition qui l’emporterait. Ou les jeux sont faits d’avance, ou ceux qui font courir ce genre de rumeurs ne sont pas très futés. Après tout, il y a, en ce moment, une dizaine de partis politiques représentés à l’Assemblée nationale. Chacun d’eux a battu campagne en 1996 pour faire élire son ou ses représentant (s). C’était donc une élection disputée à l’adversité éprouvée.

Comment, dans ce contexte, peut-on tabler sur une victoire éclair de l’opposition qui conduirait le chef de l’Etat à changer de Premier ministre ? Le paysage politique actuel, qui ne fait que confirmer, au fil des jours, la déconfiture des partis qui luttent contre le PDG (Parti démocratique gabonais), s’en trouverait donc bouleversé l’espace d’un scrutin, fût-il législatif ! Et le piège est suffisamment grotesque pour subodorer une arnaque qui confinerait à la marginalisation progressive du président de la République, la pierre angulaire du système politique gabonais. A moins que l’intéressé, poussé par son propre flair en la matière, soit tenté par une telle expérience. Au demeurant, Omar Bongo a déjà dit et redit qu’il n’y aura pas de dissolution de l’Assemblée nationale. C’était tout juste après la présidentielle du 6 décembre dernier. C’est lui seul, au terme de la Constitution en son article 19, qui peut ordonner la dissolution. L’idée était que le chef de l’Etat fraîchement élu, teste son poids politique réel en dissolvant le Parlement pour avoir une nouvelle majorité. Exactement comme Jacques Chirac en France deux ans après sa victoire de 1995. On sait ce que cela lui coûta : un président de la République dans la situation inconfortable de partager le pouvoir avec son Premier ministre issu d’une majorité de gauche.

DISCRÉDIT

Même Pierre Mamboundou, dont on connaît pourtant les convictions opposées au régime, a déjà fait part de ses craintes, devant une telle éventualité, de voir l’instabilité s’installer au sommet de l’Exécutif, même s’il fait partie de ceux qui grossissent la fameuse rumeur de dissolution. L’autre problème est que, depuis 1990, les Gabonais sont appelés aux urnes pratiquement sans discontinuer. De plus, hormis la crise financière, le Gabon ne fait pas face à une crise politique connue à ce jour et qui justifierait un recours précipité aux électeurs. En revanche, la formation d’un gouvernement de large consensus reste toujours possible. Mais pourquoi faire, alors que l’actuelle majorité est si forte que personne ne comprendrait ? L’actuel chef du gouvernement, probablement l’un des plus futés et des plus doués de ces dernières années, fait plutôt preuve d’imagination et de combativité à toute épreuve et a toute la confiance du chef de l’Etat. A moins d’un évènement extraordinaire qui viendrait remettre la dynamique actuelle en cause, on ne voit pas pourquoi dissoudrait-on l’Assemblée nationale. On a bien vu, en 1994, un gouvernement de large consensus qui détenait sa légitimité des seules négociations des acteurs politiques et qui, sur le papier, n’a vraiment rien prouvé. Tout au plus, certains de ses membres, issus de l’opposition, en ont-ils profité pour se sucrer à volonté et préparer leur trésor de guerre. Pour certains cependant, les rumeurs d’une dissolution sont le plus sûr moyen de jeter le discrédit sur les institutions républicaines et mettre inutilement le pays en ébullition au moment où il a besoin de se mettre résolument au travail.


La Comuf à l'heure de la fermeture

L'Union, 31/05/1999, MBA ASSOUME

ON va écraser une grosse larme cette semaine à Mounana où la Compagnie des mines d’uranium de Franceville (COMUF) cesse ses activités d’extraction et de production du minerai. Pas étonnant dans une ville qui se sera identifiée, presque 40 ans durant, à l’activité de la mine. “L’uranium reste dans toutes les mémoires ici”, avouait au demeurant le 1er adjoint au maire, Simone Moandjouri, au sortir d’une séance de travail, vendredi après-midi à l’hôtel de ville, avec trois ministres. Arrivés à Mounana le matin même, Paul Toungui (Mines et Énergie), Martin Fidèle Magnaga (Tourisme et Environnement) et Richard Onouviet (Eaux et Forêts et Reboisement), devaient se rendre compte de l’état d’avancement des travaux de réaménagement du site industriel, au centre des inquiétudes à la fois des élus locaux et des populations. Ils étaient accompagnés notamment du chef de délégation de la Commission europénne, Carlo de Filippi, des techniciens des ministères des Mines et de la Planification, d’un coordonnateur du PNAE (Programme national d’action pour l’environnement) et d’un assistant SYSMIN (Facilité de financement spécial pour le secteur minier). Ils sont donc venus, ont vu et ont été convaincus, avant de convaincre à leur tour les Mounanais de l’application et du sérieux avec lesquels les reponsables de la Compagnie s’efforçent de rendre au site “les meilleures conditions de sûreté possibles”, selon l’engagement pris lors de sa prise de fonction mi-janvier 98 par le directeur général, Michel Cullierrier.

AMPHITHÉÂTRE

“On ne ferme pas une entreprise vieille de 40 ans comme on le ferait d’un magasin”, a d’ailleurs rappelé le même Cullierrier, dans la salle de conférence Michel Pecqueur, en ouverture de son exposé destiné à faire le point des travaux en cours. La COMUF peut s’appuyer sur l’expérience accumulée (50 ans de production d’uranium en France, 52 millions de tonnes de minerai extrait) de sa maison-mère, la COGEMA, qui fait du respect de l’environnement “un objectif permanent et un impératif prioritaire”. Autant dire que rien, dans le strict respect de la réglementation et des engagements, n’est entrepris sans que soient pris en compte l’environnement et le réaménagement futur. Réaménagement dont les principes et les objectifs tiennent autant à la sécurité et à la salubrité publique le plus longtemps possible, à un impact résiduel “aussi faible que raisonnablement possible” qu’à la limitation de la consommation d’espace (il ne sera pas possible d’opérer des fouilles ou de construire en certains endroits du site) et à la réussite de l’intégration paysagère. C’est cet ultime volet qui a constitué l’épicentre des travaux des derniers mois. L’ancienne carrière ressemble en effet aujourd’hui à un immense amphithéâtre doté de trois gradins, de manière à atténuer la raideur de la pente. Un ouvrage spectaculaire, d’un coût de 2,4 milliards de FCFA, qui a consisté en trois étapes : réaménagement, recouvrement (arrochement et latérite) et revégétalisation.

FINANCEMENTS

Il est vrai que les préoccupations esthétiques ne sont pas absentes, puisque l’activité touristique ­ et des hauteurs de la ville, sur le Belvédère, la vue apparaît magnifique ­, au même titre que l’hévéaculture, certes un peu en sommeil, et l’exploitation forestière, compte au nombre de celles susceptibles de prendre le relais de l’uranium. (“L’Union” du 7 octobre 1998).
Ces travaux parachèvent en quelque sorte ceux entrepris depuis 1997 et dont les étapes les plus importantes sont symbolisées par le démantèlement de l’ancienne usine dont les éléments reposent par 120 m de fond (dans le puits d’Oklo) et la construction de la digue sur la Ngamaboungou appelée à assurer le stockage des derniers résidus traités et leur confinement sous une lame d’eau dont on peut à tout moment revoir (à la hausse) le niveau. Confinement des produits sous couverture solide ou sous eau, tout ceci requiert énormément de moyens financiers. L’ensemble des travaux de démantèlement et de réaménagement du site industriel est généralement évalué à 8 milliards de nos francs. Mais il faudra, bien entendu, assurer une surveillance post-fermeture. Raison pour laquelle les pouvoirs publics ont introduit une nouvelle requête (lire par ailleurs) auprès de l’Union européenne afin de bénéficier d’un financement SYSMIN. Une démarche qui témoigne bien de la préoccupation du gouvernement par rapport à ce dossier. “Nous sommes rassurés”, a indiqué Mme Moandjouri au terme d’un luxe d’explications fourni par les ministres. Sans doute faudra-t-il d’autres campagnes, histoire de mettre fin à des débats où se mêlent raison, passion mais aussi fantasmes.


La Sogatra Reprend de la Vitesse

B.M. - 19/05/1999

SEIZE jours se sont écoulés depuis que les bus de la Société gabonaise des transports (Sogatra) sont de nouveau visibles dans les artères de Libreville. Et après les cahots qui l’ont fortement secouée, l’entreprise paraît s’engager à nouveau sur un parcours plus régulier. Ce qui a amené son directeur général, Christian Robert Moun Ngou Gou à réunir hier ses collaborateurs pour un tour d’horizon de l’évolution de l’entreprise depuis le redémarrage des activités et de ses perspectives. Une manière d’inaugurer une nouvelle forme de gestion à laquelle, le DG de la Sogatra compte faire participer les travailleurs. D’autant que, a-t-il fait valoir, “les avis des uns et des autres sont toujours intéressants à comprendre et à prendre en compte”. Cela aiderait à prévenir des conflits qui sont susceptibles de perturber la marche de l’entreprise. Relevant que la plupart des conflits sociaux ont comme source, le manque de communication. La Sogatra a, depuis, réalisé 48 millions de FCFA de chiffre d’affaires dont il faut retrancher 27 millions aux titres de dépenses pour le fonctionnement et la maintenance de l’outil, dégageant un solde créditeur de 21 millions. La survie de l’entreprise, a dit en substance M. Moun Ngou Gou, dépend de l’effort de chacun des agents dont il a sollicité l’adhésion individuelloe et collective. La direction de la Sogatra a opté pour une politique de reprise partielle de son effectif d’antan. Sur les 369 agents qui y œuvraient au départ, 304 ont repris du service. Parmi le restant (65), certains, selon lui, sont allés monnayer leurs compétences ailleurs. Avec la tutelle, la direction s’est engagée pour un plan de redressement complet pour répondre aux besoins de la population. Elle attend avec impatience l’aboutissement des négociations entamées par les pouvoirs publics et le conseil d’administration pour résorber cette épineuse question. Au terme de plusieurs mois fort pénibles durant lesquels le personnel était astreint à un congé technique, en raison du nombre fort réduit d’autobus dû notamment au manque de pièces de rechange. Sur les 80 bus qui chaque jour desservaient les différentes lignes, 8 seulement étaient en état de circuler. La direction de cette entreprise n’arrivait plus à assurer de manière régulière la rémunération des employés. Il s’est par la suite déclenché un mouvement de grève. C’est ce qui a motivé la prise de la douloureuse décision de mettre la clé sous le paillasson. Dans le souci d’avoir une vue plus claire, une réunion du conseil d’administration est prévue ce matin.


SEEG : Débuts Modestes, Grandes Ambitions

NDEMEZO’O ESSONO, 18/05/1999

«LA privatisation de la SEEG que nous avons rondement menée, est une réussite totale. Elle est actuellement en train de faire école sur le continent africain puisque certains pays - cas du Sénégal et de la Guinée - viennent nous demander des conseils dans la perspective de la privatisation de leurs sociétés publiques respectives». Maximilien Boussougou-Nzamba, commissaire général chargé de la Privatisation était visiblement satisfait vendredi après-midi à l’hôtel Okoumé Palace en constatant que la Société d’énergie et d’eau du Gabon (SEEG) était, deux ans après sa privatisation, sur la route du progrès. Lors de l’assemblée générale des actionnaires de cette société (voir notre édition du week-end), M. Boussougou-Nzamba a estimé qu’«il sera très difficile au personnel de la SEEG de faire grève et aux consommateurs faisant partie de l’actionnariat de ne pas payer leurs factures d’eau et d’électricité étant donné que ces deux catégories d’agents économiques souhaiteraient que l’entreprise prospère».

RÉUSSITE

Plusieurs actionnaires interrogés se sont d’ailleurs dits déterminés à tout faire pour que la SEEG soit plus compétitive car sa survie dépend justement de son efficacité et de sa compétitivité. Avant sa privatisation, la SEEG souffrait d’une crise financière et ce malgré de louables efforts de redressement. A la base des très mauvais résultats enregistrés par cette société jadis parapublique, on trouvait les mêmes causes que dans la plupart des pays africains : croissance des impayés, notamment de la part de l’Etat et du secteur public ; et une politique d’investissements qui échappait à la société puisqu’elle était décidée par l’Etat et se révélait souvent inadaptée aux besoins ce qui conduisait la société à devoir gérer un outil qu’elle n’avait pas désiré. Mais aujourd’hui, grâce à la privatisation, l’entreprise est sur la route de l’efficacité. Elle vient ainsi de renouer avec les bénéfices puisqu’elle a enregistré un résultat positif de 1,168 milliard de F CFA en 1998 (perte de 516 millions de F CFA en 1997) grâce à un résultat financier en progression de 755 millions de F CFA et des résultats hors exploitation positifs. Et, à la faveur de l’augmentation du volume des ventes, le chiffre d’affaires connaît une progression de plus de 2,6 milliards de F CFA par rapport à 1997. 1999 est une année de «transition», une année de «mise à niveau»; dès l’an 2000 la machine sera complètement bien huilée, soutient François Ombanda, le PCA de la société. L’exercice 1998 connaît une progression importante de la demande et de la production, aussi bien en électricité qu’en eau. En électricité, les ventes progressent de 10,7% et la production de 9%, traduisant une amélioration des rendements, liée à la poursuite des efforts pour l’amélioration de la facturation. La progression observée est due, outre les effets climatiques (les températures ont été sensiblement plus élevées que d’habitude, entraînant une forte augmentation de la demande d’électricité pour les besoins de climatisation), à l’équipement des ménages et des administrations en dispositifs de climatisation des logements et des bureaux.

En eau, la croissance des ventes est beaucoup plus forte (+14,7%) et celle de la production s’établit à 8% ; le rendement de réseau atteint un niveau particulièrement élevé (87%), à la faveur des efforts d’amélioration de la facturation et de la réduction des fuites sur les réseaux. Comme en électricité, les abonnements augmentent partout, grâce notamment à la mise en service de quatre adductions d’eau nouvelles. Les investissements ne sont pas en reste. Ceux réalisés en 1998 (15,1 milliards de F CFA) sont très proches de ceux de 1997 (15,4 milliards de F CFA), y compris 2 milliards d’opérations financées par l’Etat et achevées au courant de l’année. Ces investissements ont été entièrement autofinancés, en dépit de l’accumulation d’importantes sommes impayées de l’Etat, au titre de ses consommations d’électricité et d’eau. Toutefois, une forte progression de certaines charges (consommations d’exploitation et services consommés…) a entraîné une chute de la valeur ajoutée de 18%, ne représentant plus que 48% du chiffre d’affaires contre 60% en 97.  La SEEG est confrontée à un double impératif: augmenter la capacité à produire et réduire les coûts. Mais les impayés accumulés par l’Etat constituent un obstacle très important à la réalisation des investissements mis à la charge de la société. Les accords conclus avec l’Etat en mars dernier devraient cependant permettre, s’ils sont suivis d’effet, à la SEEG de respecter les engagements contenus dans le contrat de concession, notamment l’augmentation des taux de desserte et l’amélioration de la qualité de service, ainsi que la rémunération des actionnaires. En continuant d’améliorer la qualité de ses prestations - les clients se plaignent, entre autres, des coupures intempestives (qui se produisent heureusement de moins en moins) et des factures (qui leur parviennent souvent en retard) - la société collera mieux à son slogan «Notre objectif est de mieux vous servir» se débarrassant ainsi à jamais de l’image de “Dame capricieuse” qui lui colle à la peau.

Un programme d’investissements ambitieux

SOCIÉTÉ anonyme, la SEEG, recapitalisée à hauteur de 15 milliards de F CFA, a été rachetée en juin 1997 par le groupe français Vivendi à hauteur de 51%, les 49% restants ayant été acquis par des particuliers (24%), des sociétés gabonaises (20%) et le personnel de la SEEG (5%). L’offre a rencontré un important succès populaire, la demande ayant atteint 1 100 000 actions pour 735 000 actions proposées. Les effectifs sont en évolution: 1535 agents en 1999 contre 1509 en 1998 et 1476 en 1997. Au moment où il reprenait la SEEG, le groupe Vivendi s’engageait non seulement à baisser les tarifs de 17,25%, mais également à réaliser dans la période du contrat (20 ans), des investissements de l’ordre de 300 milliards de FCFA (100 milliards pour le renouvellement des investissements et 200 milliards pour des investissements nouveaux). Les populations commencent déjà à sentir les effets positifs de ce vaste programme d’investissements lancé à travers toutes les exploitations de la SEEG du pays. Plusieurs chantiers ont en effet déjà pris fin, d’autres ont débuté ou sont en voie de l’être.

Les avantages du compteur EDAN

LA SEEG propose actuellement à ses clients, après accord, le compteur EDAN qui, selon elle, permet «une meilleure gestion des consommations». Pour cette société, acheter de l’électricité comme l’on achète du carburant de son véhicule; tel est à peu près ce que propose le compteur EDAN. A son rythme, selon ses besoins et en fonction de ses moyens du moment, chacun peut gérer son budget électricité. Le compteur EDAN évite ainsi, selon la SEEG, le désagrément de la coupure. La consommation plus visuelle permet de faire en temps réel la relation entre l’usage et le prix payé. Plus de relevé ou de facture à éditer et à acheminer vers la clientèle qui se plaint de ne pas la recevoir à temps. Le compteur EDAN évite beaucoup d’incompréhensions et peut à terme rétablir la confiance entre l’usager et la SEEG.


Procès en Légitimité du RNB : Retour à la Case Départ

MBEGAH EFFA, 21/05/1999

ON reprend les mêmes et on recommence. Le procès en légitimité qui opposait Paul Mba Abessole à Pierre-André Kombila Koumba n’a pu être tranché au fond. Tant et si bien qu’au sortir du palais de justice hier, ni les partisans de l’un, ni ceux de l’autre, n’ont pu savourer les délices de la victoire. Tout au plus, il y a eu comme un sentiment de lassitude face à un procès qui les aura inutilement tenus en haleine. Et pour cause. Le dispositif, rédigé dans un langage rébarbatif pour le profane, n’était pas du genre à enflammer la foule de militants qui s’attendaient à y trouver les phrases dans le genre :”Mba Abessole a tort” pour les partisans de Kombila Koumba. Ou : “Kombila a tort”, pour ceux de son adversaire. Hélas, il n’en a rien été même si, politiquement, c’est plutôt Pierre-André Kombila Koumba qui semble avoir tiré son épingle du jeu puisque la décision de l’exclure du RNB n’a pu être juridiquement prise. En clair, le professeur peut continuer à utiliser le logo du Rassemblement national des bûcherons et s’exprimer en son nom, partout où il le désire. L’arrêt ne le dit pas expressément, mais en laissant les choses en l’état, on peut l’interpréter ainsi. Voilà en quels termes était rédigé ce dispositif : “Déclare respectivement non soutenus et irrecevabl2s les recours en appel faits par le Pr Kombila. Reçoit par contre la tierce opposition prononcée par Joachim Ndongo Moussoutou. Sur le fond : “Rétracte l’arrêt du 24 décembre 1998 et statuant à nouveau, confirme le jugement du 12 août 1998”. Pas de quoi en effet fouetter un chat. Mais une interprétation permet, non seulement de remonter aux origines de l’affaire, mais aussi, de comprendre ce que tout cela veut dire.

INDIVISIBILITÉ

Pour résumer une longue histoire, il faut savoir que Pierre-André Kombila Koumba, furieux d’avoir été exclu du RNB par Mba Abessole, décision qui allait être confirmée par le congrès du parti quelques semaines plus tard, saisissait le juge des référés pour obtenir une cessation de trouble. Mais réagissant sur le coup, Paul Mba Abessole formulait ce que les juristes appellent une demande reconventionnelle, affirmant que le troubleur, c’était plutôt Pierre-André Kombila Koumba. Le juge des référés, appelé aussi le juge des évidences, se déclare incompétent. Il n’a pas le droit d’interpréter les statuts du parti. D’où la référence au jugement du 12 août 1998 contenue dans la décision prise hier. Pas content, Pierre-André Kombila Koumba faisait appel. Mais pressé d’aller battre campagne pour la présidentielle du 6 décembre où il était lui-même candidat, il ou son conseil omet les points de droit qui permettent au juge d’examiner l’appel avec diligence. Tant et si bien que le juge n’aura, juridiquement entre ses mains, que l’appel en bonne et due forme de Paul Mba Abessole. Autrement dit, le deuxième juge des référés qui lui avait donné raison s’était appuyé sur ce point essentiel du droit.

ANNULATION

Mais hier, la Cour, qui vidait son délibéré, a estimé, malgré tout, que c’est finalement le juge des référés qui s’était déclaré incompétent qui avait raison. Parce que, dans l’arrêt de son collègue, interdisant à Pierre-André Kombila Koumba l’utilisation du logo du RNB, on y avait également inclus Joachim Ndongo Moussoutou. Or, celui-ci n’a jamais été régulièrement cité. D’où l’annulation de cette procédure. Une annulation qui, par ricochet, a bénéficié indirectement au Pr Kombila. C’est le sacro-saint principe de l’indivisibilité. Moralité de l’histoire, la Cour d’appel a estimé que pour départager valablement les protagonistes, un examen au fond du dossier s’impose. Cette fois, ce ne sera plus le simple juge des référés, mais une composition classique de trois magistrats, épluchant consciencieusement les statuts du RNB pour savoir qui de Kombila Koumba ou de Mba Abessole, a raison.  Mais il appartient désormais aux deux parties de ressaisir le tribunal si elles le désirent. Et sans le vouloir ni sans le savoir, la Cour d’appel vient de rendre un jugement de Salomon. De quoi réjouir les partisans de Kombila et irriter un peu plus ceux de Mba Abessole. C’est le verdict du statu quo.


Séjour du Chef de l'État en Amérique du Nord et en Europe

Germain NGOYO-MOUSSAVOU, 14-15-17/05/1999

Le président de la République, Omar Bongo a regagné Libreville hier en milieu d’après-midi, au terme d’un séjour à dominante économique de près de quatre semaines à l’étranger, commencé aux Etats-Unis d’Amérique où il aura rencontré le directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Michel Camdessus et le président de la Banque mondiale, James Wolfensohn. Objectif : faire avancer les négociations avec les institutions financières internationales et parvenir, au final, à un accord dans les prochains mois. Pour le chef de l’État, qui a été accueilli à son arrivée par le vice-président de la République, Didjob Divungi Di Ndinge et le Premier ministre, Jean-François Ntoutoume Emane, “l’espoir de conclure un accord avec le FMI est permis”. Néanmoins, a-t-il souligné, la conclusion définitive de cet accord appelle de l’ensemble des forces vives du pays une prise de conscience de la passe difficile que nous traversons. Pour ce faire, assurant le gouvernement de son “soutien total” dans les réformes initiées, il a invité le Premier ministre à prôner davantage que par le passé l’application stricte de la loi contre les fossoyeurs de l’ordre public dans le pays.

Séjour du Chef de l'État en Amérique du Nord et en Europe, L'Union du 14 mai 1999

RAREMENT voyage à l’étranger du président Omar Bongo aura eu un contenu aussi peu politique que celui qui vient de s’achever après l’ultime étape française, hier. Pourquoi Paris ? Tout simplement parce que le chef de l’État avait rendez-vous avec le président Jacques Chirac et le Premier ministre Lionel Jospin. Mais la capitale française ­ aux yeux de tous les Gabonais ­ a toujours été une sorte de “banlieue” de Libreville, sans vouloir vexer nos amis gaulois. À ce titre, n’était-il pas naturel d’y reprendre ses esprits et de tracer un bilan clair de ce périple officiel, après le long séjour nord-américain ? Le double volet finances et pétrole de ce voyage présidentiel n’aura donc échappé à personne. L’image véhiculée était, certes, de saison : il s’agissait à tout prix (mais pas à n’importe quel prix) de “vendre le Gabon” aux investisseurs nord-américains, nolens volens. Quoi de plus propice à ce genre d’opérations, que la tenue à Houston (Texas) du Sommet sur l’Afrique du “Corporate Council”? Ce vaste forum avait de vagues similitudes avecDavos (Suisse), en moins “chic” mais plus prestigieux et mieux organisé, en raison du nombre élevé des chefs d’État souvent présents aux débats ainsi que de présidents exécutifs de prestigieuses sociétés multinationales (Coca-Cola, Daimler-Chrysler, Citigroup, Caterpillar, Eastman, Kodak, Eli Lilly (produits pharmaceutiques), Ernst & Young, Halliburton, Lazare Kaplan). Sans oublier les majors et les “cadets” pétroliers que le dirigeant gabonais était précisément venu solliciter, aux États-Unis, à titre de partenaires pour le développement.

LÉGER MIEUX

Mais, auparavant, le chemin du président Omar Bongo transitait par Washington, capitale fédérale des USA mais également quartier général des deux institutions financières les plus cruciales pour la survie des pays en voie de développement : la Banque mondiale (BM) et le Fonds monétaire international (FMI). À cette occasion, le chef de l’État a successivement plaidé auprès de Michel Camdessus (FMI) et de James Wolfensohn (BM) les dossiers gabonais, ainsi que nous l’avons déjà relaté dans nos précédentes éditions. Assisté notamment du ministre des Finances Emile Doumba, M. Omar Bongo a écouté patiemment les réserves émises par les experts de ces vénérables institutions sur les véritables résultats de leurs efforts investis dans notre pays. En toute franchise, ont insisté les “ngangas” de l’économie mondiale, les montants colossaux affectés dans un secteur tel que l’éducation nationale, pour ne citer que cet exemple, se sont avérés décevants, pour ne pas dire stériles. Pendant ce temps, constate-t-on poliment, les anciens détenteurs de ce portefeuille ministériel se sont enrichis démesurément, et, surtout, impunément, mettant à terre les plans et les programmes les plus judicieux. Les flux financiers n’ont pas atteint leurs cibles, qui sont les infrastructures scolaires ainsi que les populations étudiantes. La corruption et la concussion sont les deux mamelles d’une gestion catastrophique... Il a donc fallu à Omar Bongo faire appel à tout son talent de négociateur séduisant pour convaincre ses interlocuteurs des directives assignées au Premier ministre, M. Jean-François Ntoutoume-Émane, concernant l’assainissement radical des finances publiques nationales. Une loi anti-corruption est actuellement en discussion à l’Assemblée nationale, a-t-il rappelé, pour marquer sa détermination à lutter désormais contre les champions de l’enrichissement sans cause. Bref, cette rencontre avec les principaux responsables des institutions de Bretton Woods était nécessaire. Il y a désormais un léger mieux et le prochain rendez-vous entre les deux parties devrait aboutir à un accord salvateur pour l’économie gabonaise. En septembre 1998, selon les chiffres disponibles, la Banque mondiale avait consacré 37, 7 millions de dollars (22, 6 milliards de francs CFA) de son portefeuille au Gabon. La dette extérieure gabonaise, pour sa part, s’élève à environ 4, 2 milliards de dollars (2. 620 milliards de francs CFA, soit pratiquement trois fois le montant du budget annuel). Hormis ces entretiens avec Michel Camdessus et James Wolfensohn, les audiences du chef de l’État avaient pris des tournures plus optimistes et prometteuses. Ainsi, lors des discussions avec le sous-secrétaire d’État américain au Trésor Edwin Truman, le président est revenu sur la question de l’effacement de la dette des pays africains, en particulier sur le cas du Gabon, seul pays à revenu intermédiare (PRI) désormais (“ni riche ni pauvre”, selon une terminologie qu’affectionne le président Bongo), qui n’entre dans aucune catégorie fixe susceptible de bénéficier de la générosité américaine.  Profitant de son séjour à Washington, Omar Bongo n’a pas manqué de passer par cette “voie obligée” au Capitole, qui est celle du Black Caucus. Ce groupe dynamique, rappelons-le, comprend 38 parlementaires qui, comme leur étiquette l’indique, sont des élus noirs ou ­ pour être plus contemporains ­ des Afro-Américains. Une rencontre fructueuse, à l’instar des autres contacts du chef de l’État avec certains décideurs américains sur lesquels nous aurons l’occasion de revenir dans notre prochaine édition.

Séjour du Chef de l'État en Amérique du Nord et en Europe, L'Union des 15 et 16 mai 1999

Dans notre édition d’hier, nous avons noté que les entretiens, à Washington, entre le chef de l’État Omar Bongo et les principaux responsables des institutions de Bretton Woods ont été un examen délicat à passer, mais le président de la République s’en est sorti avec un certain brio. Attention, toutefois : la bonne poursuite des opérations d’assistance du FMI et de la Banque mondiale est désormais assujettie à un assainissement préalable et sérieux de la gestion financière du Gabon. LORS de sa visite au Capitole, siège du Parlement des États-Unis, le président Omar Bongo s’est entretenu avec Edward R. Royce (Californie), leader du sous-comité du Congrès sur l’Afrique. Parmi les autres membres de ce groupe restreint, deux noms sont à retenir : Charles Rangel (Démocrate, New-York) et William Jefferson (Démocrate, Louisiane) qui sont des figures de proue du texte H.R. 434 (en langage non codé, House of Representatives 434) intitulé “Loi sur les opportunités et les investissements en Afrique”. Ce dernier personnage, est un parlementaire noir, qu’il ne faut pas confondre avec l’autre William Jefferson (dit “Bill”) Clinton... Les deux n’ont visiblement de commun que leur étiquette démocrate. Sans nous attarder outre mesure sur William Jefferson, rappelons qu’il a conduit la délégation commerciale américaine qui s’est rendue au Gabon courant 1998. Le Black Caucus comprend donc 38 membres, tous des parlementaires en activité. James Clyburn (Démocrate, Caroline du Sud), préside actuellement ce groupe de pression très efficace, œuvrant à visage découvert, le plus légalement du monde, dans l’univers politique complexe et souvent retors de Washington. Historiquement, les “Caucus” sont d’immenses rassemblements politiques au cours desquels les partis nationaux choisissent leurs candidats et définissent leurs objectifs. La désignation de “Convention” (républicaine et démocrate) a remplacé depuis lors ce terme étymologique, sauf au Black Caucus.

ANOMALIE

La Côte d’Ivoire et le Cameroun ont quitté la catégorie (factice) des pays à revenus intermédiaires (PRI) “ni riches ni pauvres”, tandis que le Gabon continue, curieusement, d’y parader seul, “victime” des chiffres concoctés dans les bureaux climatisés par les économistes, de pourcentages calculés par ces fonctionnaires internationaux, et de la sous-population du pays ­ il faut bien le dire. Cette anomalie a été relevée à plusieurs reprises par le président Omar Bongo devant ses différents interlocuteurs. Cela signifie que, lorsqu’on divise un montant quelconque de revenu national par 1 200 000 Gabonais, contre 115 000 000 de Nigérians, le résultat montre un Gabonais moyen immensément riche aux yeux de ”l’expert” de la Banque mondiale, même quand ce veinard (virtuel) de Gabonais sait qu’il faut survivre avec le Smig à 60 000 FCFA, une famille nombreuse à l’africaine sur les bras, adultes et enfants compris. L’argent n’aime pas le bruit : un État en guerre larvée ou de conflit violent repousse toute velléité ou projet d’investissement aussi inexorablement que la fumée chasse les abeilles de la ruche. Congo, Centrafrique, Congo Démocratique, Angola, Tchad, Rwanda, Burundi, Liberia, Sierra Leone, Soudan, Somalie, pour ne mentionner que ces pays, sont des noms qui jonchent un parcours sanglant et périlleux. Les multinationales y ont souvent laissé des plumes dans des opérations hasardeuses et dangereuses et elles n’aiment pas ça. En toute franchise, qui aime perdre, qui plus est de l’argent? À cet égard, le chef de l’État n’a pas manqué de mettre l’accent sur les conditions séduisantes d’un investissement au Gabon : le pays vit sous un régime économique libéral, bénéficie d’un climat de paix sociale et encourage les initiatives multinationales. À titre d’exemple, Elf est l’unique compagnie française œuvrant dans le domaine pétrolier, tous les autres opérateurs étant de nationalité différente. À l’Institut James Baker (du nom de l’ancien secrétaire d’État américain), le président Omar Bongo a développé devant un parterre intéressé la notion de partenariat, qui guide et renforce le sujet du Sommet de Houston (Texas) : “attirer les investissements en Afrique”. À cet égard, signalons qu’un projet de loi est en examen, au Congrès américain, sur “La croissance et les opportunités d’investissement en Afrique” et que l’autre parrain de ce texte fondamental est Donald M. Payne (Démocrate, New-Jersey), membre du sous-comité sur l’Afrique et, par ailleurs, du Black Caucus. Une figure active que n’a pas manqué également de rencontrer l’illustre visiteur gabonais à Washington. La maîtrise de l’énergie ainsi que l’utilisation rationnelle des énergies fossiles (hydrocarbures, gaz naturel), du potentiel hydroélectrique, du rayonnement solaire et de la force éolienne représentent un formidable potentiel qu’aucun pays ne saurait négliger. Car, comme l’a rappelé le chef de l’État gabonais à Houston, l’énergie est un “domaine porteur pour les investisseurs” et un “facteur de développement” sans comparaison possible.

NÉBULEUSE

À titre indicatif, il faut savoir que le Golfe de Guinée, qui s’étend de la Côte d’Ivoire au Cabinda, recèle 70 % des réserves mondiales d’hydrocarbures. La demande énergétique du continent africain va augmenter de 40 % annuellement dans le secteur pétrolier et de 50 % pour le gaz naturel, estiment les experts, ce qui pourrait faire saliver toutes les compagnies pétrolières américaines : Amoco, Exxon, Chevron, Mobil, Texaco, sans oublier Amerada Hess dont la succursale gabonaise apparaît, dans son fonctionnement, pour le plus grand nombre de nationaux, comme une nébuleuse. En visite au New-York Stock Exchange (Bourse), le 22 avril dernier, friand des explications de Richard Grasso (une Bourse à Libreville ? ), M. Omar Bongo a eu l’insigne plaisir ­ en tant que premier chef d’État africain francophone ­ de faire retentir la cloche clôturant les cours journaliers dans cette Mecque de la finance américaine et mondiale. Les Bourses américaines représentent plus de 45 % de la valeur totale des actions qui circulent dans le monde, ce qui témoigne de leur ampleur et du chemin fantastique parcouru depuis que 24 courtiers anonymes se sont réunis sous un sycomore (sorte d’érable ou faux platane), en 1792, à l’emplacement actuel du 68, Wall Street (rue du Mur). Un mur qui ne suscite des lamentations que lors des “Krachs” ou chutes vertigineuses des cours boursiers.

Séjour du Chef de l'État en Amérique du Nord et en Europe , L'Union du 17 mai 1999

PROLONGEMENT de son séjour en Amérique du Nord, la visite du président Omar Bongo au Canada a débuté le dimanche 2 mai par l’étape de Calgary, province de l’Alberta. Il s’agissait pour le chef de l’État gabonais de rencontrer les dirigeants de Gentry Ressources et de Ocelot Energie, une compagnie pétrolière qui possède trois contrats de production partagée dans le bassin sédimentaire du Sud Gabon, tous trois situés onshore, à une centaine de kilomètres à l’intérieur des terres et à une vingtaine de kilomètres du gisement envié de Rabi Kounga. À Calgary, la délégation gabonaise a également eu des discussions avec les responsables de Gentry Ressources sur les modalités d’opérations conjointes au Gabon, avant d’être reçue à dîner par le secrétaire d’État provincial David Kilgour, chargé de l’Amérique latine et de l’Afrique. Ocelot, pour la petite histoire, a calculé que son projet global peut être développé au point d’exploiter des réserves estimées à 100 millions de barils d’huile légère, sur le territoire gabonais. Panthère Nzé, Mbindji, Maghena et Obangué sont les désignations des permis accordés à Ocelot Energie. Sans entrer dans le détail technique des réserves prouvées, des sondages sismiques, des réservoirs géologiques, des résolutions aéromagnétiques et de la qualité des grès de base, ajoutons simplement que les signatures des contrats portant sur une période de 20 ans sont récentes puisqu’elles datent respectivement du 6 décembre 1996 et du 26 juin 1997. La production nationale se situe à 370 000 barils/jour, actuellement.

RESQUILLEURS

Omar Bongo a eu des entretiens avec le ministre fédéral des Finances Paul Martin, puis il s’est rendu au dîner officiel offert à Ottawa par le Premier ministre du Canada, le Très honorable Jean Chrétien. À cette occasion, il a indiqué que “des secteurs comme ceux des télécommunications, des transports, des routes, du tourisme, des mines, etc. , devraient pouvoir s’ajouter aux secteurs traditionnels”. Comprendre le bois, les hydrocarbures, le manganèse et l’exsangue uranium.
Pour sa part, le chef de l’État gabonais a estimé que “des hommes d’affaires canadiens devraient pouvoir saisir les multiples avantages et les nombreuses opportunités d’investissement qu’offre (notre) pays”. Mais l’on peut regretter que la délégation présidentielle tout au long de ce périple intercontinental ne comprenait aucun homme d’affaires gabonais. Aussi, l’on peut suggérer que les nouvelles réformes proclamées au Gabon assignent à l’avenir, un rôle plus actif et prestigieux au milieu des affaires national ­ ne serait-ce qu’en lui offrant la possiblité d’accompagner le président Omar Bongo dans des missions à l’étranger, en lieu et place de tous les resquilleurs professionnels, dont le nombre grossit exagérément au fil des déplacements.
La clé de voûte de ce changement se trouve sans doute dans une petite phrase du chef de l’Ètat, lors de son toast à Ottawa : “Le prolongement par le secteur privé de la coopération au niveau des États est une nécessité. Il permettra aux hommes d’affaires canadiens de mieux s’intégrer au tissu économique gabonais en y associant leurs homologues locaux”.

OYÉ MBA

Mais la culture et la mentalité sont deux incitatifs différents, que l’on soit en Amérique du Nord ou que l’on vive en Afrique. Dans le Nouveau Monde, le prestige qui s’attache à l’entrepreneur à succès est de loin supérieur à l’étiquette de l’homme politique. Et ce n’est pas demain la veille que tous ces passagers anonymes des voyages présidentiels cèderont leurs sièges aux patrons gabonais du commerce et de l’industrie. Même si le président Omar Bongo a compris qu’il fallait instiller des Casimir Oyé Mba, Emile Doumba, Auguste-Richard Onouviet et Alfred Mabika-Mouyama, venus du monde privé des affaires ou technocrates accomplis, pour redorer le blason du monde politique, secoué par des mœurs laxistes et délétères.
Pour en revenir au séjour canadien, le Premier ministre Jean Chrétien a évoqué en anglais (l’usage veut que toute personnalité politique canadienne s’exprime en public à la fois en français et en anglais, de manière équilibrée) le rôle de nos deux pays auprès des Nations unies : “On the international stage, our two countries sit side by side on the UN Security Council. And we are partners in the search for the most precious gift of all : the gift of peace”.
Une véritable merveille de concision qui mêle plusieurs réalités : la prochaine présidence du Conseil de sécurité par le Gabon, l’implication militaire du Canada dans le conflit yougoslave, le Prix de la Paix et de la Stabilité reçu par son hôte à Houston, le souci, enfin, d’élever au rang de partenaire égal son pays bien que le Canada soit 40 fois plus étendu en superficie !
À Québec et Montréal, le chef de l’État rencontrera quarante-huit heures plus tard, le Premier ministre du... Québec en la personne de M. Lucien Bouchard. Naviguer entre les pouvoirs fédéral d’Ottawa et provincial de Québec (la ville, capitale de la province du même nom) est un exercice de funambule pour tout visiteur étranger. Mettant les pieds dans le plat en 1967, au balcon de l’Hôtel de Ville de Montréal, le général de Gaulle (qui avait la carrure et le ton) s’était écrié : “Vive le Québec libre ! “, déclenchant une tempête diplomatique sans précédent dans l’histoire du Canada.

SOUVENIRS

Plus gentiment et plus subtilement, Omar Bongo a préféré devant l’honrable Stéphane Dion, président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, qui le conviait à dîner pour le compte du Premier ministre Jean Chrétien, à Montréal, souligner que le “Québec, c’est le Canada” et invoquer ses souvenirs personnels : “une petite histoire d’amour entre le Québec et le Gabon” du temps où il était jeune directeur de cabinet de feu le président Léon Mba. Celui-ci, en effet, avait demandé au maire Jean Drapeau de recevoir une mission comportant les premières étudiantes en secrétariat bilingue du Gabon.
Aujourd’hui, a poursuivi Omar Bongo, il faut espérer que les échanges commerciaux puissent se développer davantage. À ce propos, notons que notre président n’a pu se rendre à l’usine Bombardier Aérospatiale, le vendredi 7 mai, épuisé par un programme astreignant de trois semaines entre les États-Unis et le Canada. Il ne s’agissait pas d’admirer le chasse-neige dernier cri qu’inventa le précurseur Armand Bombardier ni le ski-doo qui fait les délices des randonneurs d’espaces polaires glacés, ou encore d’inspecter des locomotives et wagons de chemin de fer que le groupe Bombardier avait vendus autrefois au Transgabonais (avant de se séparer de sa branche ferroviaire).
La plus grande fierté de Bombardier Aérospatiale est son avion Global Express, un jet d’affaires de 47 millions de dollars canadiens (2 milliards de francs CFA), véritable bureau volant capable de relier New York à Tokyo sans escale à une vitesse de 900km/heure. Un achat qu’il faudra remettre à plus tard, vu le profil bas qu’adopte actuellement l’économie gabonaise. Rien que la conception de l’appareil a coûté la bagatelle de 800 millions CAD $ (46 miiliards de francs CFA) à Bombardier, une entreprise qui emploie 14 000 personnes, soit la moitié des effectifs de la fonction publique gabonaise...


Interview du Premier Ministre

Dans un entretien accordé à notre quotidien, le chef du gouvernement mesurant le chemin parcouru en 100 jours, parle plutôt d’orientation. Sans triomphalisme débordant, le Premier ministre estime que l’équipe qu’il dirige s’est plutôt bien tirée de la crise des syndicats, en attendant le dénouement final. A propos du recensement des agents de l’Etat, Ntoutoume Emane affirme qu’il ne s’agit, ni d’une chasse aux sorcières, encore moins d’une inquisition malsaine, mais de clarifier une situation, de “transformer la confusion en ordre”.

Propos recueillis par MBEGAH EFFA, 10/05/1999

Question : M. le Premier ministre, lundi dernier, vous avez fait 100 jours pleins à la tête du gouvernement. Quel bilan pouvez -vous déjà tirer ?

Jean-François Ntoutoume Emane: “Peut-on serieusement parler de bilan après 100 jours de gouvernement ? Je ne pense pas. Car le gouvernement que j’ai l’honneur de diriger a pour mission de mettre en oeuvre le programme que le président de la République a proposé au peuple gabonais qui l’a accepté dans son immense majorité et dont la réalisation doit s’étendre sur un septennat. Le chef de l’Etat m’en a rappelé les grands axes et les points d’ancrage dans la lettre de cadrage qu’il m’a adressée. Celle-ci a constitué le support et l’élément majeur de référence de la déclaration de politique générale que j’ai présentée à l’Assemblée nationale.
Certes, dans tout régime démocratique, il est de coutume d’apprécier le parcours des 100 premiers jours d’un gouvernement. Il s’agit en fait d’apprécier les orientations de ses actions, de voir si celles-ci vont ou non dans le bon sens, si certains signaux émis peuvent déjà motiver quelques heureuses attentes, justifier, dans la réalité des choses, quelques espoirs. Mais, parler d’un bilan, c’est un peu outré, exagéré, à mon avis.
Toutefois, ne pouvant être juge et partie, le gouvernement, et encore moins son chef, ne doivent pas se livrer, sur la scène politique, à cet exercice. C’est aux compatriotes, aux analystes patentés dont principalement la presse et les leaders politiques de tous bords qu’il revient de le faire. Ce qui, me semble-t-il, a été largement le cas, à travers les micro-trottoirs et les articles de journaux, en passant par les déclarations de certains grands leaders politiques.
Sans fausse modestie, nous pourrions dire que, globalement, les éléments d’appréciation recueillis ou enregistrés ont été fort encourageants pour notre gouvernement.”

Sitôt installé, vous avez dû faire face à une grogne sociale sans précédent qui a paralysé le pays trois mois durant. Etes-vous satisfait de la manière dont cette crise s’est décantée ?

“ Là aussi, il n’y aurait pas lieu d’être sourd ou aveugle, encore moins de jouer les Saint Sébastien. C’est dire que la manière dont cette crise s’est décantée, comme vous le dites, nous satisfait, car c’est de façon concertée que les partenaires sociaux et le gouvernement ont abouti aux résultats que vous connaissez, qui ont sauvegardé la paix sociale. Mais nous ne sommes que sur une étape d’un parcours qui pourrait être relativement long. L’essentiel est de marquer, de part et d’autre, la volonté d’aboutir dans l’intérêt bien compris des uns et des autres, celui des catégories professionnelles et celui du gouvernement qui a pour mission de préserver la paix sociale et le bien commun. Il nous faut pour cela maintenir la concertation. Le souci constant du gouvernement d’instaurer ou de maintenir ici et là la concertation résulte en droite ligne de la philosophie politique du président Bongo dont l’axe central est le dialogue et la tolérance, c’est-à-dire le, respect mutuel ; c’est le binôme perpétuellement en action à tous les niveaux de la société qui garantit la paix sans laquelle il n’y a pas d’Etat viable, ni de développement possible, cette paix qui fait l’honneur et la fierté du Gabon dans le monde depuis plus de trente ans, sous le magistère du président Bongo.

Vos détracteurs ont fait répandre la rumeur selon laquelle vous souteniez en sourdine, la grève de l’USAP pour faire trébucher votre prédécesseur. Que répondez-vous à ces accusations ?
Vous avez bien dit “détracteurs”, n’est-ce pas ? Mais que vous dire à l’intention de ceux-là qui, par définition, - je pense à l’étymologie latine du mot- veulent tirer par le bas, dans les bas-fonds, dans les fosses innommables ; ceux-là qui veulent systématiquement rabaisser les mérites des autres. Ce sont ces gens de mauvaise foi, ces esprits malfaisants qui polluent perpétuellement l’atmosphère et le climat social avec des ragots et des rumeurs de toute nature. Que pouvons-nous contre eux ? Rien, sinon espérer qu’en toute chose, dans tous les domaines, la vérité est fille du temps.Il n’y a pas de vérité que le temps ne révèle ! Et le peuple finit par se lasser de ces rumeurs et de ces ragots, car le peuple finit toujours par exiger la vérité. Les détracteurs, bien évidemment, colporteront et agiteront toujours les grelots d’autres rumeurs. Comme ces êtres microscopiques bien connus, ils ne peuvent vivre et se développer qu’en milieux malsains.
La grève de l’USAP a, somme toute, commencé bien avant la campagne électorale. Elle n’avait cessé de gêner le gouvernement dont j’étais tout de même membre. Devais-je, en tant que Premier ministre, continuer à laisser pourrir la situation ?Aucun Gabonais sérieux ne pouvait l’admettre. Avec certains membres du gouvernement, notamment Paulette Missambo, Emmanuel Ondo Methogo, Zacharie Myboto, Patrice Nziengui, André Mba Obame, Fabien Owono Essono, Faustin Boukoubi, Antoine Yalanzele, je me suis donné corps et âme dans un processus de concertation dans lequel nous avons rencontré, chez les responsables des centrales syndicales, des volontés semblables d’avancer ou d’aboutir à des modus vivendi d’étapes. Toutes autres interprétations ne peuvent que relever de la mauvaise foi et ne doivent être considérées, à mon avis, que comme des balivernes.”

Oui, n’empêche que selon certains, le hasard est pour quelque chose dans cette accalmie que nous observons sur le plan social ?

“Non, alors ne blaguons pas ! Personne, ni du côté gouvernement, ni du côté des centrales syndicales ne vous laissera dire cela, car quatre mois durant les uns et les autres ont passé des heures éprouvantes de négociations, jour et nuit ! “Le hasard n’est, au demeurant, qu’une illusion de notre ignorance,”estime le philosophe ; ‘le hasard ne frappe jamais par hasard”, renchérit le poète Jacques Prévert !
D’autres, arbitraires ou hypocondriaques, voient toujours tout en noir surtout quand il s’agit d’apprécier les faits et les gestes du “négativisme” systématique. Certes, le doute, dit-on, est le commencement de la pensée. mais à vouloir tout nier, même ce qui est évident, on finira par nier sa propre existence !.

L’opération de recensement des agents de l’Etat fait grincer les dents en raison de la nature des questions posées dans la fiche qui leur a été distribuée. S’agit-il, à terme, de parvenir à une réduction des effectifs dans la Fonction publique. Ou tout simplement, de débusquer les fonctionnaires fantômes ou fictifs ?
“Il s’agit d’abord de clarifier une situation, de “transformer la confusion en ordre” comme eût dit André Malraux. Avec une fonction publique dont les effectifs avoisinent 40.000 agents pour une population de près de 1,5 million d’habitants, il importe de fixer les règles du jeu et les normes et, surtout, de les respecter ; car, dans les Etats modernes, l’administration, doit, elle aussi, être un facteur de développement, et donc, de productivité. Or, dans la confusion actuelle, il y a sans doute des situations erratiques ou scandaleuses issues de tricheries de toutes sortes et aussi, et peut-être davantage encore, d’un nombre non négligeable d’agents fantômes. La clarification qui pourrait résulter de l’opération en cours pourrait, je l’espère, dégager des économies assez importantes au niveau de la masse salariale dont une allocation judicieuse pourrait nous aider à atténuer le fardeau de certains agents des bas échelons, dans le cadre des négociations en cours, par exemple.”

Que fera-t-on des agents qui ont bénéficié indûment des promotions dans la Fonction publique ou ayant trafiqué des textes. On sait que dans cette affaire, même de hauts responsables de l’admnistration sont impliqués, à des degrés divers, dans ce trafic ?

“Pas de procès d’intention, ni de chasse aux sorcières a priori. Laissons le travail méthodique s’accomplir, après les lois et les règlements en vigueur entreront en jeu, c’est mon souhait.”

“Vous avez annoncé une vaste réforme de la Fonction publique afin de redonner sa dignité à l’agent de l’Etat. Jusqu’où pouvez-vous aller dans ce qui apparaît comme un combat à haut risque, à la fois pour vous-même et pour ceux qui seront touchés par ces réformes ?

“La réforme de la Fonction publique basée principalement, dans un premier temps, sur le nettoyage du fichier de la Fonction publique, la rationnalisation des engagements et du développement des carrières des agents de l’Etat, constitue, avec l’assainissement des Finances publiques et la gestion plus rigoureuse de notre budget, l’un des principaux axes du “Gouvernbement de combat, dynamique et inventif”, voulu par le président de la République.
Le ministre de l’Economie, des Finances, du Budget et de la Privatisation, M. Emile Doumba, et le ministre de la Fonction publique, de la Réforme de l’Etat, M. Patrice Nziengui, ont reçu, chacun en ce qui le concerne, des instructions fermes de ma part pour s’y atteler résolument. Le chef de l’Etat, dans la situation délicate et difficile que nous vivons, suit très attentivement, lui-même, les actions initiées dans ce sens. J’ajouterais que s’agissant précisément de la Réforme de la Fonction publique, nous bénéficions de l’expertise du PNUD (programme des Nations unies pour le développement) dont le représentant accomplit un travail remarquable dans notre pays.
Bien évidemment, il s’agit comme vous le dites si bien d’un combat à haut risque”, car, comme vous l’imaginez, il y a des pesanteurs, des conservatismes, des résistances, parfois même au sein des départements où doivent s’opérer ces réformes. C’est souvent, hélas, quand les droits ont été mal acquis qu’on les défend plus farouchement de préférence dans la confusion. “Les progrès de la raison sont là, les racines des préjugés sont profondes”, observait Voltaire. Or, sans la vertu, la nation court à la ruine ; et, en politique, on ne gagne pas par la prudence de l’inaction, mais par la vertu de la Réforme.
Fort des instructions du chef de l’Etat, je prescris à mon tour une obligation de résultats aux ministres et je leur rappelle à souhait, le mot du poète Réné Char : “Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égard, ni patience.” “Troubler” veut dire ici, je pense, initier ou participer à la transformation de la société, au changement de mentalités que le chef de l’Etat, appelle, depuis de longues années, de ses voeux les plus ardents.”

Vous bénéficiez de la confiance du chef de l’Etat. Que feriez-vous si la réforme annoncée touchait ceux qui lui sont proches et qui se seront compromis dans des magouilles et autres malversations ?

“Je pense que la réponse que je viens de donner à votre précédente question, vaut également pour celle que vous venez de formuler.”

Le ministre de l’Economie et des Finances est devenu la bête noire des agents de l’Etat et principalement, des fonctionnaires en poste dans son département même, en raison de ses manières carrées. Pensez-vous cet homme capable d’aller au bout de son action sans s’attirer les foudres des lobbies qui ont tissé de solides réseaux pour se sucrer sur le dos de l’Etat ?

“Il n’y a, me semble-t-il, aucune raison de douter de sa capacité et encore moins de sa volonté d’aboutir dans la mission ardue et difficile qui lui est assignée en dépit de ce que vous appelez les foudres des lobbies qui ont tissé de solides réseaux et que pour ma part, j’ai appelé plus haut les résistances de toutes sortes, lesquelles sont, au demeurant, humainement compréhensibles. D’une certaine façon, le ministre de la Fonction publique est aussi dans le même cas. L’un et l’autre ont ma confiance totale et celle du chef de l’Etat.
Les réformes entreprises, sont, je le souligne de nouveau, d’une nécessité absolue. Nous sommes en crise, en récession financière plus précisément. Nous avons enregistré de grands dérapages dans notre gestion budgétaire notamment. Le Gabon n’est ni le premier, ni le seul et encore moins le dernier pays à connaître une telle situation. Il faut y faire face, il faut en sortir, solidairerement. Le président de la République, avec le courage et la lucidité qui le caractérisent nous a, en pleine campagne, prévenus en annonçant que nous aurons au moins deux à trois ans, non pas de ramadan, mais cette fois-ci de purgatoire financier.
Sachant qu’il n’y a pas de miracle en économie, contrairement à ce que laissent entendre certains censeurs auto-proclamés, ils nous a intimé l’ordre de mettre en place de nouvelles règles de jeu, d’instaurer une nouvelle gouvernance avec la nécessaire collaboration des institutions financières internationales et l’aide toujours hautement appréciée des responsables français et de ces institutions (FMI et Banque mondiale). Ce qui, une fois de plus, témoigne de sa détermination à sortir le pays de cete situation difficile. Sur ses instructions, le gouvernement que je conduis a pour mission priroritaire, de remettre, à terme, le train de l’Etat sur les rails de l’orthoxie financière tout en se précocupant de soulager, autant que faire se peut, le fardeau qui accable nos compatriotes les plus défavorisés.
C’est dans les difficultés que se forge l’âme des peuples qui aspirent à la grandeur. Et le président de la République dont l’audience dans le monde est considérable et l’oeuvre auréolée déjà de nombreuses distinctions internationales ne cesse de nous inviter à changer de mentalités et à travailler pour la grandeur du Gabon.
Le mot “crise”dérive d’un mot grec qui veut dire décision ; alors, profitons de la présente crise pour prendre de bonnes décisions, précisément celles qui tendent à inculquer aux Gabonais l’esprit de discipline, à combattre le laxisme dans tous les domaines, et à tous les niveaux, à encourager l’effort, l’ardeur au travail, l’esprit d’initiative, le respect sacré des institutions et des biens publics, la vie et la dignité des individus, la solidarité. A l’image du combat militaire, aucun combat économique ou financier ne peut être gagné durablement sans la discipline des troupes et sans la bonne gouvernance de la part de l’état-major !

Des rumeurs de plus en plus insistantes font état d’un détournement de deniers publics par de hauts responsables du trésor public. Si ces informations venaient à être vérifiées, que comptez-vous faire pour récupérer les sommes indûment décaissées sur le dos du contribuable gabonais ?

“Nous avons tous appelé de nos vœux les plus ardents l’instauration de l’État de droit dans notre pays. Alors, de grâce, que cessent, surtout dans la presse, ces rumeurs et ces ragots qui visent à vilipender les individus, à accuser sans preuve. Dans un État de droit, chaque citoyen bénéficie de la présomption d’innocence, même au stade de l’accusation ou de la convocation par un tribunal. Tant qu’on n’est pas jugé et condamné on est innocent et personne n’a le droit de proférer ou de diffuser des ignomnies à votre détriment.
S’agissant précisément des organes de presse qui se complaisent dans ce travail de dénigrement, il y aurait lieu de souhaiter, de la part des organes institutionnels de régulation plus de vigilance et de fermeté, mais aussi de la part des citoyens plus de recours à l’exercice de leurs droits de défense auprès des tribunaux. Je puis aussi me permettre de rappeler ici ce que j’ai cru avoir lu comme étant le triangle d’or du journalisme : le désir de comprendre et le courage de dire certes, mais aussi et surtout la rigueur de l’enquête. Le journalisme, même quand il est de combat, doit toujours être mené, me suis-je laissé dire, avec le code d’honneur de la profession. Parlant de M. Jacques Derogy qui fut en France un journaliste de combat par excellence, M. Weitzmann rappelait quelque part que sa méthode consistait à “vérifier systématiquement les pistes, à recouper les sources, à déjouer les manipulations, à interroger les personnes en cause”. Malheureusement chez nous, ce ne sont pas toujours les vrais journalistes qui ont pignon sur rue ou qui disposent de moyens nécessaires à l’existence d’un organe de presse. Ceux de la génération spontanée, plus nombreux, ont fait du dénigrement et de la diffusion des ragots leur job. Il paraîtrait que plus les diffamations sur certaines personnes sont énormes mieux leur journal se vend ! Triste garantie ! Et curieusement, même quand ils se disent être, ni de la majorité, ni de l’opposition, leurs flèches ne se dirigent généralement que vers les partisans d’un même camp, celui de la majorité.”

Justement à propos de camps, trouvez-vous, comme certains, que le silence actuel de l’opposition est suspect ?

“Ce silence est tout de même relatif ; je dirais même qu’il est, d’une certaine façon, assourdissant quand on lit certains organes de presse ou quand on écoute certaines radios dites périphériques qui leur servent de porte-voix. Le ton de cette presse et de ces radios, comme le contenu de leurs articles et programmes, n’a pas beaucoup changé, hélas !
Toutefois, il faut bien admettre que depuis un certain temps les grands leaders de cette opposition témoignent, dans leurs comportements comme dans leurs propos, de plus de mesure et parfois de véritables civilités à l’égard d’autres hommes politiques. Le président de la République a donc eu raison de louer, dans son dernier message de Nouvel An, ces attitudes qui participent au maintien de la paix sociale et à l’enracinement de la démocratie dans notre pays. Devenus, ici et là, à des degrés divers gestionnaires publics, certains de ces leaders puiseraient cette relative modestie, cette sagesse salutaire, par définition, dans leur confrontation quotidienne avec les réalités souvent ardues de la gestion des hommes et des fonds publics. Ils mesurent mieux aujourd’hui les difficultés qu’il y a à aller à l’idéal tout en ayant les pieds sur terre. Une fois de plus, le président Bongo a raison de toujours chercher à associer le plus grand nombre, par delà les clivages politiques, à la gestion des affaires publiques.

Mais beaucoup, très déçus, pensent que la plupart des opposants gabonais sont des opposants alimentaires.

“Je sais. On dit parfois vulgairement, un peu partout en Afrique, que les opposants “ont fermé la bouche parce qu’ils mangent, et la bouche qui mange ne parle pas” ! On dit aussi, de façon plus élégante que “l’argent et les honneurs sont de puissants réducteurs de conscience qui font virer le rouge au blanc”. Je ne descendrai pas à ce bas niveau dans mon appréciation ­ et je crois sincèrement que dans l’opposition gabonaise il y a des hommes et des femmes de conviction et de grande valeur. Nous devons tous nous en féliciter !

M. le Premier ministre, parlant de la gestion des affaires publiques, ne trouvez-vous pas qu’il y a comme des blocages dans le processus de la décentralisation ?

“Sans doute. Blocages et, si j’ose dire, cafouillis. La loi sur la décentralisation qui est une bonne loi a déjà été toilettée ; elle est présentement en révision au Parlement ; je doute que ce soit la dernière révision. C’est que sous la pression de l’accélération qui caractérise aujourd’hui la vie des jeunes États, dans tous les domaines (car nous sommes arrimés à des États plus développés dans le cadre de la mondialisation de l’économie) et sous l’injonction démocratique fusant simultanément de l’intérieur et de l’extérieur par le biais de nos bailleurs de fonds, nous avons sauté à pieds joints dans la décentralisation ! Ce qui fait que sous certains aspects la loi est difficilement applicable. En outre, ni l’État central, ni les autorités décentralisées ne se sont pas encore débarrassés de certains préjugés et de certaines craintes. C’est un peu, d’une certaine façon, l’ère des soupçons réciproques. Il faut en sortir, en balisant clairement le processus de transfert de compétences, et donc la déconcentration des services administratifs. Il faut prévoir des étapes d’évaluation. Surtout, il faut faire de la décentralisation un réel facteur de développement économique et non une arme politique que l’on utilise d’abord au profit de ses amis politiques. Développer par la décentralisation conduit nécessairement à privilégier plus les subventions d’équipement que les subventions de fonctionnement qui favorisent surtout la multiplication des charges administratives (salaires) et des prébendes “politiques”. Mais il faut préciser que ces blocages et ces cafouillis dommageables au bon fonctionnement de l’État et de la démocratie existent autant dans les rapports qui existent entre l’État central et les collectivités locales que dans ceux qui lient ou lient mal les mairies centrales et les mairies d’arrondissements (quand il y en aura) lesquelles sont aujourd’hui dirigées par des élus et non par des fonctionnaires nommés ou délégués. Mais il n’y a pas lieu de s’alarmer ; la décentralisation est nécessairement un long processus. Il y a seulement nécessité d’initier collectivement (État central et collectivités locales) une grande réflexion, et cela dans les meilleurs délais.”

L’insécurité dans notre pays a atteint des proportions inquiétantes au regard des comptes rendus de police. Nos militaires sont déployés à la frontière Sud et Sud-Est du pays pour parer à toute éventualité en raison de la guerre civile congolaise ; or il n’est pas facile de réunir nos soldats, faute de casernes. Que comptez-vous faire pour rassurer les Gabonais ?

“C’est vrai, il y a ici et là quelques appréhensions, surtout dans nos grandes villes où l’immigration clandestine prend des proportions au-delà des normes internationalement acceptables. Et sur notre frontière avec le pays frère du Congo, laquelle s’étend sur près de 1500 km, les populations peuvent donner parfois quelques signes d’inquiétude. Mais il ne faut pas exagérer. Je l’ai annoncé dans ma déclaration de politique générale, sur la base des données fournies par la police et le Commissariat général à Documentation et à l’Immigration, et sur instructions du chef de l’État, une nouvelle politique face au phénomène de l’immigration va être mise en œuvre dans les tout prochains mois.
Quant à la défense de nos frontières, je signalerai que l’opération Koubia vient d’être revitalisée ; des instructions dans ce sens ont été données par le chef de l’État et des moyens non négligeables dégagés. Je ne peux en dire plus. Il n’y a donc pas lieu de s’alarmer. Le ministre de l’Intérieur, Antoine Mboumbou Miyakou est d’une compétence et d’une efficacité avérées. Il fait sérieusement, avec son commandant en chef de la police nationale et le Commissariat général à la Doccumentation et à l’Immigration, ce qu’il y a lieu de faire à tout moment. Quant au ministre de la Défense nationale Ali Bongo, il a initié, à la tête de ce département une approche méthodique fort appréciée par tous. Dans les mois à venir une politique appropriée de construction des casernes sera mise en œuvre. La sécurité publique et la Défense nationale sont parmi les grandes priorités que m’a prescrites le chef de l’État, avec les Affaires sociales évidemment.”

Oui, avec les Affaires sociales. Or là les problèmes restent en suspens avec le CNSS et la CNGS, sans parler du transport scolaire.

“S’agissant du transport scolaire, le gouvernement vient d’apporter une solution, certes provisoire, à la rupture du transport scolaire et du transport en commun qu’a connue récemment Libreville. Le ministre Idriss Ngari a pris, si j’ose dire, le taureau par les cornes, une profonde réforme tendant à la restructuration de ces transports a été initiée et j’espère qu’avant la fin de l’année le gouvernement arrêtera des solutions appropriées et définitives.
Quant à la CNSS et la CNGS, c’est vrai, ce sont là deux serpents de mer que le gouvernement affronte continuellement. Une profonde réflexion est en cours avec la collaboration des partenaires sociaux, qui participent au financement de la CNSS par le biais des cotisations. Dès son arrivée à la tête de ce département, le ministre d’État Paulin Obame Nguéma s’est attelé, avec ses collaborateurs, à la nécessaire restructuration de ces organismes qui constituent les pivots centraux de la politique sociale que le gouvernement, doit promouvoir ou réaliser au cours du présent septennat conformément à la lettre de cadrage du chef de l’État. Faire des réflexions qui sont initiées ici et là, c’est aussi rappeler que ce gouvernement a été formé il y a seulement un peu plus de trois mois !”

Selon des informations persistantes, il y aurait des grincements sérieux dans les rapports, d’une part entre le gouvernement et le parti majoritaire, le PDG, et d’autre part, entre le gouvernement et le Parlement. Qu’en est-il exactement M. le Premier ministre ?

“Des grincements sérieux ? Non, non ! Des mises au point, parfois, peut-être, et en famille. Des appels à la nécessité d’une meilleure concertation, dans l’intérêt de nos institutions respectives, rien de plus normal et de plus sain pour une majorité et pour une démocratie.
Lors de mon investiture le PDG, sous la houlette de son secrétaire général, a démontré, de façon éclatante son sérieux et sa force. Une meilleure concertation doit nécessairement s’instaurer entre les partis du Rassemblement dont principalement le PDG et le gouvernement qui en est issu. Il en est de même des rapports qui existent, à travers le fonctionnement de ces institutions, entre le gouvernement et le Parlement où les forces du Rassemblement sont largement majoritaires. Ces rapports, doivent être des rapports basés sur la confiance réciproque ; ils doivent donc aller au-delà de la simple courtoisie d’usage, comme je l’avais indiqué dans ma déclaration de politique générale.”
Nous avons la chance d’avoir à la tête des deux chambres du Parlement d’éminentes personnalités, le président du Sénat, M. Georges Rawiri, et le président de l’Assemblée nationale, M. Guy Nzouba Ndama. Des hommes d’expérience, à la compétence, à la sagesse et au sens politique éprouvés, tirés aussi de leurs présences antérieures au gouvernement. Notre pays peut assurément se féliciter d’avoir à la tête de son Parlement ces hommes d’envergure au moment où s’y développe et s’y enracine la démocratie pluraliste. Je voudrais associer à cet hommage M. Louis Gaston Mayila, président du PUP, l’une des forces du Rassemblement, et président du Conseil économique et social qu’il irradie des multiples facettes de son immense talent, de son imagination créatrice et de son courage politique. Nous avons été, lui et moi, au même moment, à “l’école de la Présidence”.
Comme quoi, voyez-vous, en dépit des difficultés du moment, il y a lieu de toujours espérer du Gabon, avec de tels hommes de qualité sous le haut magistère du président Bongo. La démocratie se fonde aujourd’hui, moins sur la séparation des pouvoirs, comme l’estimait Montesquieu, que sur leur intelligente collaboration dans le strict respect des prérogatives constitutionnelles et réglementaires des uns et des autres. En outre, elle est, elle aussi, soumise à la loi de l’accélération que j’ai déjà évoquée. Ce qui suppose une mobilisation permanente des entités en présence pour tirer le maximun de profit de leur synergie et éviter les dysfonctionements.


Fête des cultures

NDOUBA’NTSIBAH - 08/05/1999- LA FÊTE des cultures aura bel et bien lieu du 21 au 24 mai prochains. Déjà, les préparatifs vont bon train. Et c’est dans ce cadre que le maire de Libreville, le père Mba Abessole a reçu la presse au cours d’un déjeuner de presse, hier, dans un restaurant de la place. Plusieurs de ses collaborateurs ont pris part à cette rencontre. Notamment les premier et deuxième adjoints au maire, Pierre Amoughe-Mba et Germaine Fatou-Founga. Dans sa déclaration liminaire, le maire de Libreville a d’abord resitué la “Fête des cultures”. Selon lui, celle-ci est une manifestation au cours de laquelle chacun est appelé à prendre conscience de lui-même, à s’ouvrir aux autres et à créer, dans le respect des spécificités culturelles, une nouvelle communauté de vie basée sur la confiance mutuelle pour aboutir à la convivialité. « Cette fête, a dit le maire, doit permettre à chacun d’aller au-delà des différences diverses. Dans ce sens qu’elle invite chacune de nos identités culturelles à se révéler aux autres ». Après avoir précisé que la 3e édition de la “Fête des cultures” sera bel et bien célébrée, l’édile de Libreville a souligné qu’elle nécessite une préparation particulière qui implique la mobilisation de tous. Car, la décennie 90 touche à sa fin. Et le siècle avec. Cependant, a poursuivi l’orateur, son organisation n’a pas besoin de gros moyens. C’est la volonté qui prime. Et, comme pour soutenir les propos du maire, le président du comité d’organisation, Vincent Moulengui-Boukossou, a rappelé que le budget de cette année n’était pas loin de celui de l’édition précédente, c’est-à-dire : environ 250 millions de nos francs.

PARTICIPATION DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

Selon le comité d’organisation, près d’un million d’invités sont attendus (sic) alors que, 755 groupes devant composer les différentes manifestations culturelles sont déjà enregistrés. Ce dans le but de faire en sorte que la fête soit davantage internationale, car elle verra la participation de nouveaux pays comme les USA, étant entendu que la France et plusieurs pays africains seront encore de la partie. Les différentes manifestations culturelles prévues tournent autour des expositions, arts plastique, culinaire, musical, chorégraphique, ludique, dramatique… Les manifestations commenceront, comme lors des éditions précédentes, par des conférences-débats le vendredi 21 mai. Celles-ci porteront sur le thème relatif à l’évènement. Elles s’achèveront le lundi 24 par un déjeuner , un défilé de mode, une tombola, la remise des diplômes aux participants et le discours de clôture prononcé par le maire de Libreville… Selon le père Mba Abessole, l’objectif est d’impliquer le maximum de personnes possible. C’est pourquoi il a révélé avoir obtenu du président de la République, l’accord relatif à sa participation au cas où son agenda le lui permettrait.